Actualités - Les usines Godin. Est-ce une utopie de vouloir sauvegarder et valoriser ?

Mis à jour le 1 juillet 2012
ACTE 5 - Mise à jour de novembre 2012 par Guido Vanderhulst

Le site des poêleries GODIN n’est pas encore rasé ...

Dernier rebondissement : le Comité économique et social pour la distribution a donné un avis négatif argumenté quant à la délivrance des permis d’urbanisme et d’environnement au projet immobilier et commercial Just Under the sky qui voudrait raser les anciennes poêleries Godin. Or, ce Conseil n’est pas régional, il a des compétences fédérales et dépend du Ministère de l’Économie et des Classes moyennes ! La Ville doit donc prendre une décision et surtout, dans l’hypothèse du maintien de la délivrance des permis, la justifier. Un recours au Conseil d’État est en préparation par les associations et unions professionnelles des classes moyennes opposées au méga-projet.

Pour rappel : un certificat d’environnement avait été deux fois refusé parce que le projet ne répondait pas aux indications données par l’organisme public compétent. Un recours auprès du gouvernement avait été introduit et, finalement, les permis d’urbanisme et d’environnement avaient été accordés moyennant quelques aménagements (notamment en matière de mobilité – réduction de l’usage de la voiture). A l’époque, toutes les associations de défense du patrimoine Godin et toutes les unions professionnelles des classes moyennes se sont insurgées contre la délivrance de ces deux permis. Le Gouvernement n’avait pas réagi.

Qui ne connaît pas encore les enjeux de ce site en terme de patrimoine industriel et social majeur de la région bruxelloise et de la Belgique ? Dans la seconde moitié du XIXè siècle, Jean-Baptiste Godin, dont l’idée de coopérative ne plaît pas à Guise (France) et qui est accusé de « socialisme », prépare un exil éventuel et exporte son utopie dans la périphérie de Bruxelles, à Laeken, où il implante un complexe usinier ainsi qu’un familistère. Aujourd’hui, Jean-Baptiste Godin est encore considéré comme la figure unique d’un ouvrier devenu patron qui aurait mis en pratique dans son entreprise un humanisme tourné vers le progrès social par l’implication des travailleurs.

Le familistère : l’origine du site est une indiennerie, construite en 1829 par Story. Rachetée en 1858 par Godin, après la dégradation catastrophique des industries textiles en Belgique, l’industriel établit progressivement sa poêlerie. Excepté l’indiennerie, tout a été dessinée par Godin.

Cependant, le site industriel des poêleries GODIN est gravement menacé. Si le familistère est sauvé (parce que classé depuis 1988), l’usine, dessinée et construite par Godin entre 1858 et 1888, année de sa mort, devrait être rasée au profit d’un complexe démentiel de magasins flanqués de parkings tout aussi démesurés. Comment expliquer le familistère si l’usine disparaît ?

Sur les plans successifs régionaux de développement, le site devait rester affecté à des activités industrielles. Sa localisation au bord du canal de Bruxelles, raison de son implantation historique, est idéale pour soutenir le développement du secteur manufacturier, source d’emploi pour une population au profil professionnel de moindre qualification dont 20% sont au chômage.

En région bruxelloise, l’industrie urbaine souffre d’un manque de place, le logement raflant les terrains encore libres. Une étude du gouvernement conclut qu’on peut « voir venir » tandis que les promoteurs s’empressent de jeter leur dévolu sur ces terrains pour des projets immobiliers haut de gamme, futurs villages « sécuritaires ».
Les entreprises et les organismes publics comme la SDRB (Société de Développement de la Région Bruxelloise) ou le Port ne disposent pas de finances suffisantes (comme le port de Paris en dispose) pour concurrencer les promoteurs. La Région qui devrait imposer le respect des plans d’affectation des sols ne le fait pas.

Pas de sensiblerie : il est vrai que ces entreprises manufacturières pourraient parfaitement se délocaliser en Flandre ou en Wallonie où elles recevraient des primes ; elle emporteraient avec elles tous ces ouvriers et petits commerçants dont Bruxelles ne sait que faire et qui créent des problèmes (entre autres démographiques), laissant la place aux classes moyennes aisées, meilleurs contributeurs aux impôts locaux. 

Quant aux anciennes usines GODIN, c’est très simple : le promoteur Equilis (groupe Mestagh) entend changer l’affectation des terrains faisant de l’histoire sociale et industrielle et de ses témoins emblématiques table rase. C’est effectivement plus propre.

En terme de patrimoine, on garderait « la cathédrale » ainsi nommée par les ouvriers ainsi que 2 maisonnettes à côté du familistère qui ont peu ou pas de valeur patrimoniale.
Comble de l’absurde, il y existe trois projets de méga-magasins dans le nord-ouest bruxellois se disputant le même marché de consommateurs (dont le pouvoir d’achat diminue) : Uplace à Machelen-Vilvoorde (fortement contesté en Flandre), Néo sur le plateau du Heysel et Just under the sky sur le site Godin.

ACTE 4 - Mise à jour de juillet 2012 par Guido Vanderhulst

Laeken : les Poêleries Godin en sursis      

La Ville de Bruxelles a octroyé le permis de bâtir au mégaprojet de centre commercial et de loisir, Just Under the Sky, du promoteur Equilis (branche immobilière du groupe Mestdagh).  Le dossier est, comme la réglementation le prévoit, actuellement examiné par l’administration de l’urbanisme de la Région de Bruxelles-Capitale. Le certificat  d’environnement a été également délivré avec comme condition de limiter la part modale de la voiture à 50% et de ne pas développer d’offre concurrentielle par rapport aux commerces de centre ville.  Un permis mixte (environnement et urbanisme) sera délivré ensuite. Les deux permis « en poche », la Région devrait prendre une décision finale dès ce mois de juillet 2012.

Le Comité socio-économique régional (patronat-syndicats-classes moyennes) doit encore se prononcer quant à l’impact socio-économique du projet. Son avis devrait être négatif suite aux conclusions de travaux d’analyse qui démontrent l’aberration du projet sur les plans économique (mort du petit commerce), environnemental et de la mobilité. De nombreuses forces de pression, principalement associatives, opposées au projet d’Equilis ainsi qu’à d’autres projets commerciaux démentiels en région bruxelloise, se sont fédérées et s’apprêtent à introduire un (des) recours si elles ne sont pas entendues.
Pour rappel, le promoteur Equilis a déjà reçu un permis pour modifier à ses frais la voirie. Objectif : créer un énorme rond-point ovale censé canaliser la circulation qui ne manquera pas d’embouteiller (un parking pouvant accueillir plus d’un millier de voitures est prévu). 
La rumeur dit que le groupe Mestdagh entend juste réaliser une opération spéculative : obtenir le permis de bâtir, raser Godin et revendre avec une plus-value non négligeable ?
Quoi qu’il en soit, il aura eu le temps, d’un coup de pelleteuse, de changer l’affectation de ces terrains historiquement industriels et commerciaux. Avec comme dommage collatéral de voir disparaître également le marché matinal, propriété de la ville de Bruxelles, situé juste derrière les terrains des anciennes Poêleries. A la place, des logements haut de gamme, repliés sur eux-mêmes, imaginés par le même bureau d’architectes que le projet Just Under the Sky !
Exit surtout le vieil utopiste Godin dont le nom même ne survivra pas au naufrage de son oeuvre sociale. Restera l’immeuble dit la Cathédrale, nom donné par les ouvriers qui y ont travaillé et qui n’est pas de Godin ! Il s’agit d’une ancienne indiennerie, construite en 1829, achetée par Godin pour la réaffecter dans le respect de son histoire et de sa destination première.

Mégalomanie
Qu’est-ce qui se passe ? Aujourd’hui, les mégaprojets se multiplient et se concurrencent les uns les autres... Pensez au projet U2 à Machelen-Vilvoorde qui a reçu l’accord de la Ministre du gouvernement flamand mais auquel, entre autres, la ville de Leuven s’oppose. Pensez aussi au projet NEO, gigantesque centre commercial qui devrait s’implanter sur le plateau du Heysel, à quelques pas du projet Just Under the Sky et fortement soutenu par la Ville et la Région !
Est-ce cela la relance économique avec délocalisation des emplois des centres urbains ?


ACTE 3 - Mise à jour de février 2012 par Guido Vanderhulst

GODIN cherche démocrates

L’on sait les enjeux de ce site industriel en termes de patrimoine majeur de la région bruxelloise et de la Belgique. Jean-Baptiste Godin, menacé à Guise pour ses idées de coopératives, implante un complexe usinier et un familistère  à Laeken dans la périphérie de Bruxelles. Nous ne reviendrons pas sur cette histoire exceptionnelle et cet atout dont dispose le pays en termes sociaux et industriels.

Mais les atouts de Laeken sont gravement menacés. Si le Familistère est sauvé parce que classé depuis 1988, l’usine, la poêlerie dessinée et construite par Godin entre 1858 et 1888, année de sa mort, devrait être rasée au profit d’un complexe immense de grands magasins, disposant d’énormes parkings. Comment expliquer le familistère sans l’usine ?

Sur les plans régionaux successifs de développement, le site devait rester affecté à de l’industriel. Sa localisation au bord du Canal, raison de son implantation historique, est idéale pour soutenir le développement du secteur manufacturier et des emplois de moindre qualification correspondant au profil professionnel des 20% de sa population au chômage.

Il y a un vrai problème de terrain pour de l’industrie urbaine en région bruxelloise. Le gouvernement a fait faire une étude et proclame qu’on peut « voir venir » ! Mais les promoteurs ont jeté leurs dévolus sur ces terrains du « voir venir », seuls encore relativement disponibles pour des complexes de logements haut de gamme et de villages sécuritaires, marché porteur. Les entreprises et les organismes publics comme la SDRB(Société de Développement de la Région Bruxelloise) ou le Port ne disposent pas de finances suffisantes (comme à Paris)pour concurrencer les promoteurs, la Région qui devrait imposer le respect des plans d’affectations des sols ne le fait pas. Mais pas de sensiblerie : il est vrai que ces entreprises manufacturières pourraient parfaitement se délocaliser en Flandre ou en Wallonie où elle recevrait des primes mêmes, elle emporteraient avec elles tous ces ouvriers et petits commerçants dont Bruxelles ne sait que faire et qui créer des problèmes entre autres démographiques, laissant la place aux classes moyennes aisées  meilleurs contributeurs aux impôts locaux.

Aux anciennes usines GODIN, le promoteur Equilis veut changer cette affectation faisant de l’histoire social et industrielle et de son témoin le plus emblématique table rase.

Un certificat d’environnement avait été deux fois refusé parce que le projet ne répondait pas aux indications données par l’organisme public chargé de l’environnement. Un recours au gouvernement a été introduit et finalement accordé avec quelques impositions en plus (réduction de la mobilité par voiture…). TOUTES les associations et toutes les unions professionnelles des classes moyennes s’étaient insurgés contre cette délivrance. Le Gouvernement a laissé passer.

Il y a trois projets dans le nord ouest bruxellois de mégamagasins se disputant le même marché de gens (dont le pouvoir d’achat diminue) ! Uplace à Machelen-Vilvoorde aussi fortement contesté en Flandre mais qui sans doute recevra aussi son permis, le projet Néo que la ville de Bruxelles et le gouvernement veut développer sur le plateau du Heysel avec un centre de congrès. Il n’est qu’en dessins. Et donc le projet Just under the sky à la place du site Godin.

En terme de patrimoine, on garderait « la cathédrale » ainsi nommé par les ouvriers. L’immeuble industriel construit pour une indiennerie en 1829 par Story et rachetée par Godin après la dégradation catastrophique des industries textiles en Belgique à partir de l’indépendance du pays. Godin achète en 1858 et établi progressivement sa poêlerie. Tout est dessinée par Godin.

Pour protéger ce patrimoine tout a été fait. Le certificat d’environnement n’est pas encore publié. On l’attend, les associations préparent un recours éventuel….

Guido VANDERHULST


ACTE 2 - Mise à jour de mai 2011 par Guido Vanderhulst

La Région de Bruxelles-Capitale a annoncé voici quelque temps qu'elle manquait d'une grande infrastructure commerciale au nord de la ville. Depuis lors a vu le jour, entre autres, le projet « Just un der the sky », un complexe de six bâtiments implantés entre le Pont Van Praet et le Familistère, sur le site des anciennes usines Godin. Le caractère plutôt futuriste du projet développé par Equilis, une filiale du Groupe Mestdagh, ne manquera pas d'en choquer plus d'un. L'inauguration de ce vaste complexe aurait lieu au printemps 2013.

La demande de certificat d'urbanisme a été déposée au mois de novembre 2008. Ce complexe prétend valoriser un morceau de ville aujourd'hui sans intérêt. Implanté sur un site chargé d'histoire, qui symbolise parfaitement ce qu'était la pensée de Jean-Baptiste Godin, inspiré par le socialisme utopique et créateur du familistère de Guise, le projet aura un impact très important, d'une part, sur le trafic qu'il faudra réorganiser puisque l'endroit est déjà très embouteillé et d'autre part, sur l'emploi puisque les activités présentes aujourd'hui sur le site devront trouver place ailleurs. Rappelons qu'une centaine d'emplois y existent, dans le tri et le recyclage de pneumatiques, de pièces détachées pour voitures, à destination des pays en voie de développement ou des pays de l'Est. Une entreprise y réalise également de grands panneaux d'affichages et on y trouve aussi un traiteur.

L'implantation des six bâtiments et du parking de 1 750 voitures prévu aura également pour conséquence de voir disparaître tout espoir de réaménager la Senne à ciel ouvert. On l'aura compris : une bataille a été lancée afin de contrecarrer les plans de ce méga projet.

Une demande de classement a été introduite par la Commission royale des monuments et sites de la région bruxelloise notamment en 2004. Elle vient d'être confirmée par celle-ci auprès du Gouvernement, avec dépôt du dossier. La balle est donc dans son camp. Le Familistère, quant à lui, a été classé en 1988. Il sera transformé en logements dans le cadre d'une acquisition par le CPAS. Une étude « patrimoine » a été réalisée à la demande du promoteur. Malheureusement pour ce dernier, elle contredit le projet lui-même. En plus de rappeler qui est Jean-Baptiste Godin et son utopie en acte, elle estime que la quasi-totalité du site mérite un intérêt.

De nombreux soutiens se sont manifestés, notamment des organismes internationaux. Preuve que nombre de personnes voudraient voir ce site maintenu et réhabilité, en approfondissant par exemple ses fonctions actuelles dans le recyclage ou la fabrication de décors urbains, ou encore en y développant des activités liées à l'art (ateliers d'artistes, magasins, matières premières, galeries, événements artistiques ... ).

Ce site est le symbole d'un patrimoine social et industriel bruxellois de valeur mondiale, unique exemple encore debout en Belgique, qu'il faut impérativement maintenir. Un classement pourrait apporter les moyens de bénéficier d'une restauration, d'amplification des emplois, d'une adaptation et d'une amélioration sensible de son image, de ses accès.

C'est donc une bataille pour la conservation d'un site majeur qui s'est engagée. Une action concertée entre tous les acteurs associatifs bruxellois se prépare. PIWB et l'association BruxellesFabriques-BrusselFabriek vous tiendront au courant de l'évolution de ce projet dans les prochains numéros de la newsletter de PIWB.


ACTE 1 - Publié en mars 2009 par Guido Vanderhulst

Une fois encore, un site patrimonial industriel est en danger !

Les anciennes Poêleries Godin, à Laeken, construites au 19ème siécle, sont menacées de destruction. Or, en Belgique, les Poêleries sont la seule réalisation « utopique » réussie.

Jean-Baptiste Godin, chef d'entreprise d'économie sociale et forgeron de son état, est tôt convaincu de la capacité des ouvriers à s'impliquer dans la gestion d'une production et de sa commercialisation. Influençé par les idées de Saint-Simon et Charles Fourier, il est à la base du mouvement coopératif dans lequel la Belgique a été particulièrement actif. Le site industriel de Laeken a été dessiné et aménagé par lui, entre 1858 et 1888, sur le modèle du Familistère de Guise, en France, projet social qu'il menait en parallèle.

Sur le site, l'immeuble appelé par les ouvriers "la cathédrale" est une indiennerie, atelier de fabrication d’étoffes imprimées, daté de 1829 et antérieur aux réalisations de Godin. Exceptionnelle, elle est la plus ancienne usine de la région bruxelloise.

L’asbl Patrimoine Industriel Wallonie-Bruxelles, alertée quant à l'avenir des Poêleries Godin, se mobilise autour de la Commission Royale des Monuments et Sites de la Région de Bruxelles-Capitale et appuye sa demande de classement du site. Une lettre a été adressée en ce sens à Monsieur Charles Picqué, Ministre-Président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale. Cette démarche est, par ailleurs, largement soutenue par des associations internationales spécialisées comme le TICCIH (International Committee for Conservation of Industrial Heritage), interlocuteur d'ICOMOS, des personnalités scientifiques et de nombreuses associations citoyennes bruxelloises.

Le site des Poêleries Godin est aujourd’hui quasi dans son état initial. Il est toujours occupé par des activités, essentiellement de recyclage de voitures, dans la ligne du développement durable. Il est vrai que l'image du site gagnerait à être notablement améliorée. Nul doute que le classement permettrait d’apporter à ce lieu de valeur internationale et emblématique des utopies solidaires et des mouvements coopératifs qui ont porté (et portent encore) tant d’espoirs, une restauration basée sur une réflexion globale, garante d’une attractivité majeure pour la Région, riche de son histoire sociale et industrielle.

Le PIWB met à disposition des autorités bruxelloises l’expertise de ses membres pour accompagner toute valorisation qui devrait être faite.