Actualités - Des ouvriers mineurs “prisonniers de guerre allemands“ dans les charbonnages liégeois (1945-1947)

Publié le 28 septembre 2018

 

par Walthère FRANSSEN

Des prisonniers de guerre allemands

Au lendemain du 8 mai 1945, les Alliés occidentaux détenaient plus de 6 millions(1) de prisonniers de guerre allemands. Au sein des armées alliées, l’armée belge n’assurait pas la gestion des camps de prisonniers allemands. Ceux-ci dépendaient des armées américaine et anglaise. La Belgique, par Convention(2) avec les armées britannique et américaine, sollicita “la cession“ de prisonniers allemands en vue de leur mise au travail, principalement dans les charbonnages. La Belgique suivait en cela l’exemple, notamment, de la France qui utilisait les prisonniers de guerre allemands en tant que main-d’œuvre. Cette demande était motivée par les Belges pour des raisons dites morales : la Belgique exigeait réparation de ses dommages de guerre. Et pour des raisons économiques : pour redémarrer son économie, la Belgique avait besoin de charbon et les charbonnages manquaient de main-d’œuvre(3).

Les prisonniers de guerre allemands étaient détenus dans des camps sous contrôle américain et anglais, principalement en Allemagne de l’Ouest et dans divers pays dont l’Italie, le Danemark, l’Amérique(4) et la Belgique, dans 15 plus petits camps(5).

 

Des ouvriers mineurs

Les PG furent d’abord “essayés“ en Campine, avec des conclusions diverses. Pour les uns “le résultat fut à la mesure des espérances“(6), tandis que pour d’autres “les prisonniers allemands occupés en Campine n’ont jusqu’à présent pas eu un rendement appréciable. On constate de la mauvaise volonté de la part des intellectuels. D’autre part, les sous-officiers refusent catégoriquement de travailler, le Ministre a pris des dispositions pour les renvoyer dans les camps de prisonniers où ils recevront une ration alimentaire trois fois moins forte que dans les camps de travailleurs“(7). Après quoi l’emploi des prisonniers de guerre, essentiellement des hommes de troupes et des caporaux - “Gefreiter“-, fut étendu aux autres bassins miniers belges. Ainsi d’avril 1945(8) à janvier 1946, 64.021 prisonniers de guerre allemands furent “cédés“ à la Belgique, dont 52.150(9) travailleront dans les charbonnages.

 

La Convention de Genève

Les alliés occidentaux signataires de la Convention de Genève de 1929 relative au traitement des Prisonniers de Guerre ont-ils respecté leur engagement(10)? Les Etats signataires proclament que oui. Les historiens sont divisés sur la question : pour les uns elle fut respectée et pour d’autres elle fut contournée, voire bafouée. Et les observateurs, tel que le Comité International de la Croix Rouge, mettent des réserves sur son respect. Tout au plus, pourrait-on dire que les Alliés respectèrent l’interprétation qu’ils faisaient de la Convention. Interprétation justifiée à l’aide d’arguments plus ou moins fallacieux. De fait, la Convention n’était absolument pas respectée en matière d’alimentation et de logement dans les camps de détention -“P.W.T.E.“- de l’armée américaine ni dans des camps -“dépôts“- français. Et si la mise au travail des PG pouvait être, en temps de guerre, autorisée sous certaines conditions(11), les prisonniers devaient être libérés dès la fin des hostilités(12), donc dès les premiers mois suivant la capitulation allemande du 8 mai 1945. Ce qui ne fut fait que plus de 2 ans plus tard pour les prisonniers employés dans les charbonnages belges. Néanmoins, les prisonniers allemands mis au travail dans les charbonnages belges étaient reconnus en tant que “Prisonnier de guerre“ et bénéficiaient de la protection, même si elle fut partielle, liée à cette reconnaissance. A noter que pour les prisonniers employés au déminage, ce qui était le cas en Belgique, à défaut d’arguments pour justifier le non-respect de la Convention et à l’initiative des hautes autorités alliées, ces prisonniers allemands n’étaient plus dénommés “Prisonnier de Guerre“, en anglais : -“P.O.W. -Prisoners Of War-“ mais étaient dénommés “Forces Ennemies Désarmées“, “D.E.F. -Disarmed Enemy Forces-“. Ce changement d’appellation permettant aux alliés de contourner l’obligation de la Convention précise sur ce point.

Bien que certains PG soient arrivés en Belgique à leur insu(13), les prisonniers transférés en Belgique l’étaient théoriquement sur base volontaire. En réalité la plupart de ceux qui répondaient à l’appel de la Belgique le faisaient pour échapper aux conditions de vie plus que terribles, voire extrêmes, de la plupart des camps de détention, souvent de vastes enclos sans infrastructures, ceints de barbelés et repris sous l’appellation : “Enclos Temporaires des Prisonniers de guerre“, “PWTE - Prisoners of War Tempory Encloses“-. Heinrich Wichman, qui a travaillé au charbonnage de la Petite Bacnure en tant que prisonnier de guerre allemand, dit : “Ce fut un temps très pénible, 250.000 prisonniers avaient faim, soif et végétaient en plein air dans ce camp tenu par les Américains. Pour échapper à ces mauvaises conditions de vie, j’ai volontairement accepté de venir travailler en Belgique“(14).

 

Camps de détention et camps de travailleurs

Avant leur mise au travail en Belgique quasi tous les prisonniers transitaient par le camp d’Erbisoeul, près de Mons, dans le Hainaut. Ils y étaient amenés par train, souvent dans des wagons à bestiaux, venant directement de leur camp d’origine ou, indirectement, en ayant d’abord transité par le camp anglais d'Overijse en Brabant flamand(15). Ces prisonniers de guerre allemands étaient d’anciens soldats de la Wehrmacht parmi lesquels, disait-on, s’étaient infiltrés des Waffen SS(16).

Erbisoeul était un camp de détention sous contrôle des Américains qui passa le 27 juillet 1945 sous le contrôle de l’Etat-major belge. Les services administratifs de l’armée belge étaient chargés de l’identification complétée par l’attribution d’un numéro matricule, du “triage“(17), et de la répartition des prisonniers allemands destinés au travail. Ce transfert aux Belges du contrôle des prisonniers de guerre avait été rendu nécessaire vu l’opposition de principe, mais non de fait, des Américains et des Anglais à la mise au travail des PG allemands dans les charbonnages(18). Après une détention à Erbisoeul, qui pouvait être courte, et un très rapide examen médical, les prisonniers déclarés aptes pour le travail à la mine étaient transférés vers un des 32 camps de travailleurs, dénommés aussi camps secondaires. Ces camps étaient situés près des charbonnages : 7 camps au Limbourg et 25 en Wallonie, tous gardés par l’armée belge. Quant aux ouvriers inaptes, non retenus car considérés comme “bouches à nourrir non productives“ voire comme “rebut allemand irrécupérable(19) ils furent rapatriés ou laissés en camp de détention. 1.637 d’entre eux furent mis au travail en forêt ardennaise dans 6 camps de travailleurs forestiers pour la fourniture de bois de mines(20).

Ainsi, avant d’arriver dans ces camps de travailleurs, les prisonniers allemands avaient précédemment connu et vécu dans divers camps où les conditions de vie étaient dictées en fonction de différents objectifs. Ceux qui avaient été faits prisonniers dès 1943 ont vécu dans des camps situés en Amérique et en Angleterre dont le but était d’éloigner les PG des zones de combat où ils auraient pu être libérés. A noter que l’Armée américaine confiait la gestion interne des camps situés sur son territoire aux PG eux-mêmes, avec la dérive que certains de ces camps restaient dominés par l’idéologie nazie(21). Les PG faits prisonniers lors des derniers mois de la guerre et lors de la capitulation ont été parqués en masse dans des camps situés principalement sur les bords du Rhin et en Bavière, camps dont la fonction était de détenir et de punir en privant les PG de tout, y compris de leur dignité humaine. Tandis que les camps de travailleurs créés après la fin de la guerre près des lieux de travail étaient également des camps de détention mais leur finalité était la mise au travail avec la conséquence que l’armée belge avait mission, selon l’expression d’un militaire, “de ne pas abimer la marchandise(22). De plus, il convenait de nourrir suffisamment ces PG travailleurs. Les PG, à leur arrivée au charbonnage, devaient avoir une carte jaune prouvant qu’ils avaient passé la visite médicale à Erbisoeul. Les consignes de l’Association des charbonnages liégeois étaient que les charbonnages “sans se montrer trop difficiles(23) refassent passer une visite médicale à ceux qui n’avaient pas de carte.

Dans la région liégeoise, il y avait 9 camps de travailleurs où les ouvriers PG étaient détenus après leur journée de travail. On ouvrit d’abord, le 6 août 1945, les camps de Cheratte et de Wandre d’une capacité de 600 et 700 prisonniers. Ensuite il y eut des camps à Ans (2000 PG), Fléron (1500 PG), Jemeppe (800 PG), Seraing (1100 PG), Tilleur (1400 PG), Vottem (2.000 PG). Enfin un dernier et 9ième camp fut établi le 13 novembre 1945 au Bois d’Avroy (700 PG). La plupart de ces camps, si pas tous, avaient été construits pendant la guerre par les Allemands pour y détenir, en 1943 et 1944, les prisonniers russes mis au travail par eux dans les charbonnages(24). Pour les nouveaux camps ou les extensions des camps existants, lorsque leur construction n’était pas terminée, les prisonniers logeaient sous tentes(25).

 

Au charbonnage

L’accord sur l’emploi des PG allemands dans les charbonnages, établi par patrons et syndicats en Commission Nationale Mixte des Mines, prévoyait “que les PG allemands soient occupés dans les mines pour autant qu’il n’y ait pas de préjudice moral ni matériel pour les ouvriers belges, et qu’autant que possible, ils soient nettement séparés dans les travaux“ et A. De Smaele, ministre du gouvernement Van Acker, avait précisé en 1946 que “les meilleures tailles devaient être réservées aux ouvriers belges(26). Ces dispositions étaient prises afin d’éviter les heurts avec des ouvriers belges dont certains étaient depuis peu rentrés de captivité en Allemagne. Mais assez vite les directions des charbonnages liégeois s’aperçurent que ces mesures n’étaient pas nécessaires, car à part quelques “mots“ réciproques, la méfiance du début laissa vite place à une certaine fraternité.

Pour l’initiation des prisonniers à leur nouvelle profession de mineur, des charbonnages liégeois, dont le Gosson et Batterie, firent appel à des mineurs pensionnés, et en ces temps de pénurie, on improvisa quelque peu pour l’équipement des nouveaux mineurs. Les charbonnages de la région de Fléron étant en pénurie de casques de protection, on fit appel à la population pour recevoir d’anciens casques militaires de la guerre 1914-1918 ! et la mise au travail de prisonniers du camp d’Ans fut entravée par le manque de chaussures de travail(27). Au cours de la période d’installation des camps, les ouvriers PG lavaient eux-mêmes leurs vêtements aux bains douches du charbonnage, une fois par semaine après le travail ; par la suite leurs vêtements de travail furent lavés au camp par du personnel allemand.

 

Tous manœuvres de fond

Les PG, au départ tous manœuvres de fond, occupèrent ensuite diverses fonctions. En octobre 1945, 42% des abatteurs étaient des prisonniers allemands et 50% quatre mois plus tard, en février 1946(28). A noter que les PG ne pouvaient pas, car on craignait des sabotages, exercer les professions de boutefeux et de manipulation d’explosifs qui leur étaient “de manière absolue“ interdites(29). En fait, si la crainte d’attentat est plusieurs fois exprimée, nous n’avons trouvé dans les archives des charbonnages liégeois aucune relation d’actes de sabotage(30). Un détail : au travail et après celui-ci, les lettres “PG“(31) peintes sur les vestes des prisonniers étaient souvent peu visibles car couvertes de poussières de charbon. Aussi, de façon à identifier rapidement les PG, notamment lors de leur remontée du fond, leurs lampes de mine étaient cernées d’un trait de couleur(32). En principe, les PG allemands n’étaient pas autorisés à travailler à la surface des charbonnages(33), mais cette interdiction n’était que peu respectée. Tout au plus, dans certains charbonnages, notamment aux charbonnages du Hasard à Micheroux, les PG employés en surface devait signer un engagement : “Le soussigné s’engage sur l’honneur à ne pas tenter de s’évader à l’occasion de sa mise au travail à la surface“!(34).

 

La Bataille du charbon

En quelques mois, les prisonniers allemands prirent une part de plus en plus grande dans la production, donc dans “la Bataille du charbon“, à tel point qu’on estimait que pour la période de novembre 1945 à novembre 1946, un tiers du charbon produit en Belgique l’était par le travail des ouvriers PG allemands(35).

Concernant la production journalière moyenne des abatteurs, on observe que celle des abatteurs allemands est moindre que celle des autres abatteurs. Selon les statistiques de la Direction Générale des Mines(36) et selon les périodes, leur production était de 50 à 85 % de celle des autres abatteurs. Ainsi en mai 1947, la production journalière était de 4.037 kg pour les abatteurs PG contre 4.697 kg pour les autres abatteurs. Cette production inférieure peut s’expliquer par une motivation moins forte par rapport au salaire. La rémunération des Allemands étant nettement inférieure à celle des autres abatteurs. Mais cette production plus faible s’explique surtout par le fait que les prisonniers allemands étaient en priorité placés dans les tailles les moins bonnes,  c’est-à-dire celles dont le rendement était inférieur car les conditions d’exploitation y étaient plus difficiles.

 

Nouvelle politique

A partir de la mi-1946, dans un contexte de nouvelle politique occidentale, où l’ennemi n’est plus l’Allemagne mais l’URSS(37), les autorités militaires alliées, notamment américaines et anglaises, sous la pression conjuguée de leur opinion publique, des interventions répétées de autorités religieuses, tant catholiques(38) que protestantes(39), et du Comité International de la Croix-Rouge(40) changent d’opinion. Elles prennent conscience de ce que la prolongation de la détention des prisonniers de guerre est contraire aux idéaux de liberté qu’ils revendiquent par ailleurs. Ceci d’autant plus que de novembre 1945 à octobre 1946 se tenait le très médiatique procès de Nuremberg qui aboutit à la condamnation des dirigeants nazis, notamment pour avoir bafoué les Conventions internationales, dont celle de Genève de 1929 sur les prisonniers de guerre. La Belgique fut ainsi bien obligée(41) de prendre, fin octobre 1946, la décision de libérer ses prisonniers de guerre malgré les réticences, exprimées au Parlement “contre une trop rapide libération des prisonniers allemands, qui constituent le juste appoint de main-d’œuvre qui nous est nécessaire“(42).

Les rapatriements des P.G. travaillant dans les charbonnages belges commencèrent en mai 1947, pour être terminés, ainsi que l’avaient exigé les Américains(43), avant la fin octobre 1947. En principe les accords prévoyaient que les ouvriers les plus méritants pour leur travail et ayant atteint un certain quota de production(44), devaient être libérés en premier. En réalité, les charbonnages retenaient autant que possible les ouvriers les plus productifs(45) et les libérations, ainsi qu’en avait décidé la Fédération des charbonnages belges, étaient réalisées au fur et à mesure que les charbonnages avaient recruté suffisamment de nouveaux immigrés, baltes (personnes déplacées) et Italiens, pour remplacer les PG allemands et ce “jusqu’à saturation des charbonnages en main-d’œuvre(46), ce qui fut fait en octobre 1947.

 

Bilan

Au cours de la période de détention des prisonniers de guerre allemands en Belgique suivant leurs dates d’arrivée et de départ, de 16 à 32 mois, on a dénombré 3.913 tentatives d'évasion dont 2.008 évasions réussies(47). Comment s’évader d’un charbonnage ? Pour les uns, il suffisait en fin de journée “d’échanger“ sa lampe cernée d’un trait de couleur contre celle, normale, d’un compagnon de travail et ainsi de ne pas être retenu par les gardes à la remontée du fond(48). Pour d’autres, il suffisait d’un peu d’observation. Ainsi les PG du charbonnage du Hasard à Micheroux avaient remarqué que les berlines de charbon remontées du fond en fin de journée n’étaient déversées que le lendemain dans le lavoir à charbon. En fin de journée, avec la complicité d’autres ouvriers, deux PG se placèrent dans le fond d’une berline sous un faux toit fait de véloûte(49) et recouvert de charbon. Ils remontèrent ainsi à la surface et, la nuit venue, les berlines étant abandonnées sur la paire, ils purent sortir de leur cache.

Toujours au cours de cette période de détention, on compta 454 décès le plus souvent pour cause de maladie ou d'accidents. Parmi ces décès, 23 prisonniers furent abattus en s’évadant(50) et 9 périrent lors du coup de grisou qui fit 16 victimes au puits Sacré-Français à Dampremy le 7 mai 1946(51).

 

Des ex-prisonniers de guerre

Après leur libération, les charbonnages proposèrent à une sélection de prisonniers de guerre allemands la signature d’un “Contrat de travail pour ouvriers ex-PG en Belgique(52). Les PG devenus “ouvriers libres“ avaient une autorisation de séjour en Belgique pour une période de 12 mois, éventuellement renouvelable, à condition qu’ils travaillent à la mine(53). Après 5 ans de travail à la mine “en tant qu’ouvriers libres“, les ex-PG obtenaient une carte de séjour permanente non liée au travail à la mine. L’embauche sous contrat des prisonniers de guerre était soumise à l’approbation de la section P.O.W. du Ministère de la Défense nationale belge qui ne retenait que les PG qui avaient donné satisfaction à leur employeur et qui avaient eu un rendement au travail suffisant(54). Les prisonniers dont le rendement au travail était estimé entre 80 et 100% étaient embauchés. Les patrons charbonniers, pour se prémunir de toute critique sur la liberté de choix laissée aux PG libérés, faisaient signer à ceux-ci, conjointement au contrat de travail, une attestation où le PG précisait “n’avoir été l’objet d’aucune pression dans le choix de ma décision(55). Ainsi 3.865 de ces prisonniers restèrent en Belgique(56). A noter que certains hommes politiques belges opposés à la libération des PG, était tout autant opposés à l’embauche des PG allemands en tant qu’ouvriers libres. Les propos du député socialiste Achille Delattre interpellant le gouvernement au second semestre de 1946 sont très révélateurs d’une certaine mentalité en ces années d’après-guerre “Avoir des prisonniers de guerre allemands dans nos mines, c’est une petite réparation du grand tort qu’ils nous ont causé, mais des Allemands libres, libres dans nos rues, libres dans nos maisons, libres dans des familles belges peut-être trop vite oublieuses. Non pas de ça“(57).

Toutefois, ce ressentiment anti-allemand n’était pas ou plus partagé, ni par ceux qui étaient devenus leurs compagnons de travail, ni par les patrons des charbonnages qui, assez rapidement, se montrèrent satisfait, voir élogieux, pour les qualités de comportement et de travail de ces ouvriers allemands.

A la Noël 1947 et au Nouvel An 1948, les mineurs de nationalité allemande, ex-PG, purent se rendre en Allemagne pour 15 jours de congés payés. Ils avaient la faculté d’expédier une partie de leur salaire en Allemagne et d’envoyer un colis par mois à leur famille. Et, par le regroupement familial(58), de faire venir leur épouse et enfants en Belgique.

Les PG libérés, à l’exception de ceux qui avaient décidé de rester en tant qu’ouvriers mineurs en Belgique, furent transportés chez eux dans les différentes zones d’occupation de l’Allemagne. Toutefois un certain nombre de prisonniers, par crainte de représailles des nouvelles autorités de leur pays, refusèrent de rentrer en zone d’occupation russe. Ils furent alors hébergés dans des camps “DPC - Displaced Persons Camps“ avant, pour la plupart, d’émigrer vers les pays d’Europe occidentale, y compris la Belgique(59), les Etats-Unis, le Canada et l’Australie(60).

 

Le salaire payé par les charbonnages et celui reçu par les prisonniers de guerre allemands

 

Un salaire

En 1945, les charbonnages payaient pour les ouvriers PG allemands un salaire établi sur base du salaire donné aux autres ouvriers de la même catégorie professionnelle. Il avait été convenu(61) que, pour ne pas mettre en concurrence les ouvriers PG avec les autres ouvriers, l’employeur ne pouvait “en aucun cas(62) retirer un bénéfice particulier par l’emploi des PG. Ceci pour le principe, car en réalité les dépenses salariales pour les PG étaient nettement inférieures à celles payées pour les autres ouvriers, car diminuées en fonction du rendement et de l’absence de sécurité sociale. Ce salaire de base était diminué d’un pourcentage correspondant au rendement moindre attribué par les employeurs aux PG, ce qui pouvait se justifier au cours de la période d’apprentissage des métiers de la mine, soit un maximum de 4 mois après l’embauche, mais pas au-delà(63). Ce pourcentage du salaire a évolué au fil des mois, de 54,5% du salaire de base en mars 1946 pour les ouvriers manœuvres, on passa à 80% en octobre 1946 et à 85% en novembre 1946(64). Début 1947, ce pourcentage fut supprimé pour les abatteurs, leur salaire étant calculé en fonction du volume de charbon abattu. L’établissement de ces pourcentages successifs faisait chaque fois l’objet de négociation avant d’être admis par la Fédération des Charbonnages. Toutefois, ce salaire n’était qu’en partie restitué aux prisonniers.

 

De l’argent de poche

Les prisonniers ne recevaient comme salaire que de l’argent de poche versé par le charbonnage soit directement, soit par l’intermédiaire du Commandant du camp. Il était donné aux prisonniers sous forme d’argent de camp – Lagergeld -(65), des bons d’achat valables uniquement à la cantine du camp. Les premiers mois, cet argent de poche était à peine suffisant pour acheter des cigarettes ou une bouteille de bière à la cantine du camp. La part non restituée aux prisonniers, qui était en mars 1946 d’un peu plus de 90 % des salaires payés par le charbonnage(66), était versée à l’O.M.A. - Office of Mutual Aid - un Office gouvernemental belge d’Aide Mutuelle interallié chargé de la réparation des dommages de guerre. C’était l’O.M.A. qui assurait la gestion financière des recettes et dépenses occasionnées par la mise en œuvre des PG. L’O.M.A., qui en gardait la partie principale, reversait une partie, jugée insuffisante(67), au commandant du camp pour les dépenses de gestion du camp. A partir de juillet 1946, sous la pression syndicale et celle d’associations à caractère caritatif, tel le War Prisoners Aid du YMCA, la part du salaire revenant aux prisonniers fut plusieurs fois augmentée. Quant aux ouvriers blessés en incapacité de travail, ils recevaient en argent de poche un montant qui fut aussi revu plusieurs fois. Les PG recevaient des cigarettes du charbonnage mais moins que les autres ouvriers qui en recevaient 100 par mois de travail. Par la suite, les charbonnages firent des démarches pour en recevoir également 100 pour les PG(67). Cependant, tous les prisonniers n’étaient pas égaux devant ces “avantages en nature“, y compris l’alimentation, puisque, selon un rapport de janvier 1946 : “le Premier Ministre va donner des ordres et envisager des réductions de rations alimentaires pour les prisonniers allemands non utilisés au fond, soit qu’ils sont employés en surface ou malades, et il est proposé que les rations de tabac soient améliorées pour les prisonniers qui travaillent bien“(68). De plus, comme elles le faisaient pour tous ces ouvriers, les directions des charbonnages contrôlaient rigoureusement leurs dépenses salariales, ainsi en témoigne une note datée de janvier 1947, du charbonnage de la Petite Bacnure, adressée au médecin chargé des soins aux blessés, afin “qu’il soit fait une enquête minutieuse à l’effet d’établir si l’ouvrier Heinricht Kruthy, P.G n°10065, a bien été victime d’un accident de travail, si non l’intéressé n’a pas droit à son argent de poche pour les journées chômées“. Précisons aussi que, si les cas de non-respect du règlement du travail étaient généralement sanctionnés par une amende pouvant atteindre 1/5 du salaire journalier, pour les PG la sanction pouvait être la privation de 3 jours de rémunération.

 

La sécurité sociale

La législation belge en matière sociale n’était pas appliquée aux PG allemands. Les patrons liégeois avaient conclu, en octobre 1945, qu’en l’absence de contrat de travail avec les PG allemands, ils n’avaient pas à payer de cotisations pour accidents de travail ni pour la sécurité sociale(69). Toutefois, à partir de la fin février 1947, pour au moins sur ce point se conformer à la Convention de Genève, les employeurs furent obligés de souscrire une assurance contre les accidents de travail au profit de leurs ouvriers PG(70). Mais cette souscription risqua de rester sans suite pour les PG car l’Association des Charbonnages liégeois avait recommandé à ses affiliés “de ne pas fournir aux Commandants des camps le double de la déclaration d’accident de travail des prisonniers“. A un prisonnier blessé par une auto dépassant la colonne des PG se rendant au travail, il fut répondu que l’assurance ne couvrait pas les accidents sur le chemin du travail. Les patrons charbonniers tiraient profit de cette absence de sécurité sociale. Après le départ des PG, ils se plaignaient que “les charges financières augmentent sans cesse“ car par rapport à “nos prisonniers de guerre … nous avons dû accorder à leurs remplaçants tous les avantages assurés aux ouvriers belges, y compris les charges sociales et familiales“(71).

 

Le solde du salaire

La rémunération reçue par les prisonniers de guerre était utilisée par ceux-ci à la cantine du camp(72) et aussi à l’achat de colis alimentaires ou autres, envoyés à leur famille en Allemagne. Les bénéfices de la cantine, étant règlementairement propriété des prisonniers, étaient utilisés soit au profit des prisonniers sans revenus parce que malades ou membres du personnel administratif du camp, soit à l’organisation de loisirs ou d’animations collectives(73). Quant à la part des salaires retenus par l’O.M.A. elle n’a fait l’objet d’aucune restitution même partielle, aux PG lors de leur libération, ce que prouverait un rapport de juin 1947 de l’Association charbonnière liégeoise : “Au Charbonnage d’Espérance et Bonne-Fortune, les prisonniers de guerre libérés qui signent un contrat sont sans argent et sans vêtements et demandent une avance de fonds, ce qui ne peut leur être accordé“(74). Avance qui était accordée aux ouvriers ex-PG des charbonnages de la Grande Bacnure, à qui le charbonnage avançait sur leur prochaine quinzaine, outre un acompte, les frais d’inscription à la commune et l’achat d’un costume(75). Toutefois, cette “générosité“ ne signifiait pas que ces ouvriers recevaient un solde des salaires retenus au cours de leur période de détention. L’article 34 de la Convention de Genève de 1929 traitant des Prisonniers de Guerre concerne notamment la rétribution du travail des prisonniers(76). On peut au moins s’interroger sur son respect en ce qui concerne les pratiques salariales et de rétention des salaires appliquées par l’armée belge aux prisonniers de guerre allemands mis au travail dans nos charbonnages.

Finalement l’égalité de traitement et de salaire entre les prisonniers et les autres ouvriers, et la possibilité de faire quelques économies ou quelques achats plus importants, ne fut réalisée que pour les ex-prisonniers libérés qui avaient signé un contrat de travail avec le charbonnage.

 

Le Camp des travailleurs de Vottem

 

Un camp ?

Le Camp de Vottem n°LG2 était situé sur les terrains formant, à partir du Boulevard Fosse Crahay, un angle entre le bout de la rue du Plope et le chemin de la Soquette. Ces terrains sont situés sur le territoire de la ville de Liège. Ils sont actuellement occupés par les caravanes de Gitans sédentarisés et par le club de foot J.S. Thiers à Liège. Le camp avait été construit pendant la guerre par l’armée allemande et avait servi de lieu de détention pour les prisonniers russes qui travaillèrent notamment au charbonnage de Batterie, en 1943 et 1944(77). Au cours de la période qui suivit la libération de Liège, le 8 septembre 1944, le camp déserté par l’armée allemande fut occupé un temps par l’armée américaine qui y détenait des prisonniers de guerre allemands qui étaient régulièrement conduits, sous escorte de soldats américains, dans divers chantiers de travail situés dans les environs(78). Repris par l’Armée belge, le camp servit de lieu de détention, à partir du 7 septembre 1945, pour les ouvriers mineurs PG allemands des charbonnages de Batterie, de la Petite Bacnure et de Gérard-Cloes, de Belle-Vue et d’Abhooz Herstal et Milmort. Soit un total de plus de 1500 prisonniers de guerre allemands(79) gardés par 200 militaires belges(80). Pour la gestion du camp, l’armée belge avait mis en place une structure disciplinaire, composée de prisonniers allemands(81). Ainsi les ordres du Commandant du camp étaient transmis aux prisonniers via un des leurs, le Lagerführer.

Les Charbonnages de la Grande Bacnure avaient au travail 321 ouvriers PG, dont 157 au siège de Gérard Cloes à Bernalmont et 164 au siège de la Petite Bacnure à La Préalle. Tous ces PG travaillaient au fond de la mine, à l’exception de 4 PG occupés en surface à la Petite Bacnure. Cinq de ces 321 PG étaient âgés de moins de 18 ans. La Grande Bacnure employa des PG allemands jusqu’au 17 octobre 1947.

Le camp de Vottem était cerné de barbelés, selon les directives(82) pour la sécurité des camps, il fallait 50 mètres de barbelés pour 1 mètre courant de clôture. Pour la surveillance, le camp était équipé de miradors(83). Le camp était composé de baraquements préfabriqués faits de panneaux de planches de sapin, les toits en double pente étaient imperméabilisés par du carton goudronné.

 

La Chapelle et l’infirmerie

Un de ces baraquements servait de chapelle et un autre d’infirmerie.

La chapelle du camp fut équipée d’un harmonium payé par les patrons charbonniers(84). Elle était desservie pour le culte catholique par un aumônier militaire belge et pour le culte protestant par un pasteur protestant allemand(85). Plus de deux tiers des fiches de mise au travail des prisonniers allemands des charbonnages du Hasard(86) portent la mention “protestant évangéliste“ et un peu moins d’un tiers celle de “catholique“. Une seule de ces fiches porte la mention “athée“. Outre l’assistance spirituelle individuelle, cette présence cultuelle catholique et protestante s’inscrivait, au-delà de la personnalité de leur ministre, dans un processus de dénazification, voire dans un projet de reconstruction politique occidentale de l’Allemagne(87).

A l’infirmerie du camp, les prisonniers blessés ou malades étaient soignés et, si nécessaire, hospitalisés. Pour les cas plus graves, les prisonniers étaient soignés aux hôpitaux du Château-Rouge à Herstal ou de l’Espérance à Montegnée. En mars 1947, 47 des 321 prisonniers de guerre de la Grande Bacnure étaient en incapacité suite à des accidents de travail(88).

En dehors des visites des aumôniers, le camp de Vottem, comme les autres camps de prisonniers allemands, recevait la visite de délégués du YMCA(89), de la Croix-Rouge Internationale et de la Mission Vaticane. Ces visites, outre l’aide morale et matérielle, notamment en matière de loisirs, avaient aussi un rôle d’inspection et de relais auprès des autorités militaires et politiques. Ainsi le dimanche 16 février 1947, Mgr Cento, lors de sa tournée des camps liégeois, est soucieux de rencontrer les prisonniers de guerre, mais tout autant d’être reçu par les autorités militaires et de donner à sa visite un écho dans la presse. Il rencontre ainsi le triple but de sa mission : a) réconforter les prisonniers dont une forte minorité est catholique(90); b) relayer auprès des autorités militaires les demandes de la Mission vaticane(91) concernant les PG ; c) attirer l’attention de la Belgique et de ses représentants politiques sur la nécessité de libérer les prisonniers de guerre allemands. Anecdote : lorsqu’après sa visite Mgr Cento quitta le Camp de Vottem, les PG allemands chantaient en sourdine l’Internationale !(92).

 

La nourriture

Il est dit que la nourriture préparée à la cantine du camp par l’armée belge était bonne. Il est vrai que les patrons charbonniers liégeois veillaient à ce que cette nourriture soit suffisante. Leur crainte à ce sujet était double. D’une part, il craignait de devoir faire face au mécontentement de leur personnel au cas où la nourriture donnée aux prisonniers aurait, suivant la rumeur, été en qualité ou en quantité supérieure à celle que pouvaient avoir leurs ouvriers belges, en ces années de rationnement(93). D’autre part, lorsque cette alimentation leur paraissait insuffisante, il craignait une perte de rendement de leurs travailleurs. D’où “le cri d’alarme“ du Dr Stassen, médecin d’un charbonnage liégeois : “En ce qui concerne la nourriture des prisonniers, il manque 1000 calories … il en résultera dans 2 ou 3 mois une chute verticale du rendement“(94). Le rapport du Dr Stassen fut transmis au Ministre du Charbon et au Ministre de la Guerre.

 

Le courrier

Les prisonniers pouvaient, dans une certaine limite, envoyer du courrier à leur famille : 2 lettres de maximum 24 lignes et 2 cartes de 7 lignes par mois(95), et ils pouvaient aussi en recevoir. Les premières lettres furent envoyées en Allemagne début novembre 1945 et les premières réponses arrivèrent d’Allemagne à la mi-janvier 1946(96). Toutefois, ce courrier était préalablement soumis à la censure “sévère“ des autorités militaires, qui n’autorisaient ni description de l’endroit où le camp se trouvait, ni la moindre critique à l’égard de la Belgique(97). Cette censure se relâcha fin 1946 et fut supprimée en octobre 1947(98). Un rapport du YMCA note que, bien que très attendu par les prisonniers allemands, le courrier était souvent une cause de détérioration de leur moral tant les nouvelles qu’ils recevaient sur les conditions de vie de leur famille en Allemagne étaient mauvaises. Aussi, à partir de décembre 1946, toujours à l’initiative du YMCA, les prisonniers purent envoyer des colis, alimentaires ou autres, à leurs familles en Allemagne.

 

Une détention sans fin

Les prisonniers, dont beaucoup avaient vécu le pire dans les camps de détention américains, ne se plaignaient pas ou peu des conditions vécues dans les camps de travailleurs, mais il leur était particulièrement pénible de se voir détenus pour une durée qui restait indéterminée. Dès la fin du premier trimestre 1946, les rumeurs à ce sujet allaient de la libération immédiate à 20 ans de détention pour certains(99). “L’homme de confiance“(100) – Vertrauensmann - du camp de Vottem, un PG choisi par ses pairs, dans une requête à l’autorité, avait posé la question du terme de la captivité. Requête qui avait été, en octobre 1946, adressée au Premier Ministre par le Colonel Devyver, président du Comité Interministériel de Gestion et de Coordination des P.G.(101).

 

Sous escorte

Avant et après chaque pause de travail, les ouvriers PG étaient conduits et reconduits sous escorte militaire. Ainsi les ouvriers PG de la Petite Bacnure faisaient à pied et sous escorte, matin et soir, le trajet de 2km500 du camp au charbonnage et du charbonnage au camp. On raconte à La Préalle qu’un après-midi, les 2 militaires chargés d’escorter les prisonniers de la pause du matin étaient passés par le café situé face au charbonnage, où ils avaient un peu trop bu. Comme ils n’étaient plus capables de porter leur fusil, ils les firent porter tout le long du trajet par deux prisonniers ! Autre fait, plus dramatique : pendant le retour au camp de Vottem après le travail, en groupe et avec escorte, un PG allemand s'enfuit et est abattu par un soldat belge qui, d’après la relation d’un témoin, fut choqué d’avoir tué un prisonnier. Autre fait qui relativise la discipline du camp, en 1947, parmi les prisonniers ayant signé un contrat de travail, donc devenus “libres“, certains continuèrent à loger un temps au camp de Vottem, cohabitant ainsi avec des prisonniers toujours sous la garde des militaires.

Le journal La Meuse du 12 février 1947 demande en vain confirmation au Commandant du camp de Vottem de la rumeur rapportée au Journal selon laquelle des PG auraient, dans le but d’une évasion collective (non réussie), creusé un début de tunnel au départ d’un baraquement du camp en direction de la rue de la Soquette et un autre en direction de la rue du Plope(102).

 

Au suivant !

Après le départ des PG, les baraquements du camp, propriété de l’armée belge, furent vendus et rachetés par les charbonnages. Certains de ces baraquements restèrent sur place pour y loger notamment des ouvriers italiens et baltes. Quant à la chapelle du camp, elle servit de lieu de culte catholique pour les ouvriers italiens(103). D’autres baraquements furent démontés et remontés ailleurs. Ainsi le charbonnage d’Abhooz à Milmort acheta plusieurs baraquements du camp de Vottem, qu’il installa rue Bonne Foi et rue du Nouveau Siège.

 

Les relations des prisonniers de guerre allemands

 

Les prisonniers et leurs gardes

Les gardes c’est l’armée belge. Une armée en partie composée de jeunes recrues dont certaines avaient l’intention “d’en découdre avec les Allemands(104). Une armée dont les ordres, de 1945 à 1947, étaient la non-fraternisation. “Pour les autorités à Bruxelles, les Allemands sont des “objets” avec lesquels toute forme de fraternisation est inconcevable"(105). L’armée belge était présente dans le camp de détention anglais d’Overijse, où elle assurait la garde des PG, dans le camp de transit d’Erbisoeul et dans les camps de travailleurs. Erbisoeul et les camps de travailleurs étaient placés totalement sous le contrôle et la responsabilité de l’armée belge. Les relations entre les prisonniers et leurs gardes variaient en fonction du type de camp ; camp de détention ou camp de travailleurs. Dans les camps de détention, les relations entre PG et militaires belges donnent souvent lieu à des incidents, toutefois sans comparaison avec ce qui se passait de façon quasi permanente à l’étranger dans les grands camps de détention des armées alliées(106). Par contre, dans les camps de travailleurs totalement sous contrôle de l’armée belge, les relations entre PG et militaires belges semblaient généralement correctes. Il est vrai que dans les camps de travailleurs, les considérations économiques de rentabilité de la main-d’œuvre primaient sur les considérations de détention punitive. Voici quelques témoignages sur les relations entre les prisonniers et leurs gardes :

- Au camp de détention britannique d’Overijse, chaque enclos est limité par un chemin de ronde avec, du côté extérieur, un grillage de barbelé haut de 3 mètres et, du côté intérieur, un seul fil de fer barbelé. Un rapport du CICR relate que les gardes belges lors de leur ronde, dans cette zone interdite aux PG, étaient fréquemment sollicités par des prisonniers en manque de tabac qui leur demandaient un mégot. Si certains gardes acceptaient, d’autres provoquaient le prisonnier en jetant le mégot dans la zone interdite. Et lorsque le prisonnier franchissait le fil de fer barbelé pour ramasser le mégot, le garde procédait à son arrestation pour tentative d’évasion, ce qui valait au prisonnier 28 jours d’arrêt et au gardien une bonne note pour sa vigilance ! Par contre, si le prisonnier tentait alors de repasser en hâte le fil pour rejoindre l’intérieur du camp, il recevait des balles, à moins que celles-ci n’atteignent d’autres prisonniers se trouvant dans une tente proche des faits(107).

- Toujours à Overijse, des gardiens belges, profitant de l’insuffisance des rations alimentaires, proposaient aux prisonniers quelques aliments supplémentaires contre de l’or, sous la forme de bagues, d’alliances ou de “bridges”, une prothèse dentaire que possédaient encore quelques prisonniers(108).

- A l’inverse, des plaintes relatives aux camps de travailleurs forestiers sont rapportées à la Direction des camps “ contre des sentinelles préférant viser à côté des prisonniers fugitifs plutôt que de risquer de les atteindre, et contre des soldats fraternisant avec les prisonniers(109).

- Au camp de travailleurs d’Ans, pour se rendre au rapport, les prisonniers passaient par un couloir garni de photos des charniers de Buchenwald ! Toutefois, ces photos de corps décharnés ne pouvaient jouer leur rôle d’humiliation ou de rééducation si les prisonniers ne faisaient pas, comme le fait remarquer F. Théofilakis, un parallèle avec le traitement qu’ils avaient subi dans les camps PWTE de l’armée américaine(110).

 

Les prisonniers entre eux

Peu de faits sont connus pour ce qui est des relations entre prisonniers d’un même camp de travailleurs. L’esprit d’unité et de cohésion de l’armée allemande, il est vrai porté par une discipline rigoureuse, fut d’abord mis à mal par les défaites successives et la capitulation. Et les règles de sociabilité et de solidarité jusque-là respectées furent confrontées aux conditions extrêmes, notamment de la faim, dans les camps de détention des armées alliées. Ces conditions ont bien maintenu, voire renforcé quelque camaraderie, mais dans l’ensemble, elles ont surtout créé des tensions régressives dans les relations entre prisonniers. “Il n’y avait plus de soldats, plus de camarades(111), mais entre prisonniers, un égoïsme de survie fait de vols et de rapines. Les prisonniers arrivant en camps de travailleurs rencontraient un contexte différent : une alimentation correcte et, par le travail, une certaine ouverture sur le monde. Dans ce nouveau contexte se recréaient entre les prisonniers des réseaux d’amitiés. Et il était possible, pour ceux qui avaient perdu toute idéologie, d’en retrouver en participant à des groupes occultes. Le fait qu’en fin de la visite de Mgr Cento(112) au camp de Vottem, des prisonniers chantent en sourdine l’Internationale révèle l’existence à l’intérieur du camp d’une cellule communiste formelle ou informelle. Par ailleurs, on sait que dans d’autres camps, des prisonniers étaient soupçonnés de continuer à se nourrir d’idéologie nazie. Ce qui valut à des pasteurs protestants allemands d’avoir été mis sous surveillance car ils étaient soupçonnés de mettre leur statut de personne protégée au service de cette cause(113).

 

Les prisonniers et la population

Concernant les premiers contacts des ouvriers PG allemands avec la population locale on connait, par Ph. Sunou, les évènements dans deux camps forestiers. A Couvin, en région namuroise, “des pierres leur furent même jetées“ et à Elsenborn, en région germanophone, ils furent accueillis avec des fleurs“(114). Ces deux réactions extrêmes s’expliquent par le vécu différent de deux populations par rapport à la guerre et aux Allemands.

Qu’en était-il en région liégeoise à la fin d’une guerre qui avait causé tant de souffrances, fait tant de victimes et qui avait été sans pitié pour tous ceux qui avaient osé résister ? Au lendemain de la guerre, la population ne pouvait qu’avoir des sentiments anti-allemands. Encore que la haine de la population fût davantage adressée aux belges collaborateurs qu’aux Allemands. Lorsque Dehareng, un militant socialiste, apprit qu’Arsène Gérard, un ouvrier mineur du charbonnage de Belle-Vue déporté en Allemagne parce que résistant, était mort en captivité, il clama publiquement sa volonté de venger son ami. Venger, non contre les Allemands mais contre l’ingénieur du charbonnage qui avait indirectement été la cause de son arrestation(115). Quant au sentiment anti-allemand exprimé de façon unanime par la foule, il ne reflétait toutefois pas toutes les opinions individuelles. Ce serait sans compter ceux qui avaient témoigné une sympathie pour le régime hitlérien et, pendant la guerre, s’étaient engagés en conséquence. Et sans compter ceux qui, en dehors de toute opinion politique, dans leurs contacts forcés avec les Allemands, n’avaient pas eu à se plaindre de leur comportement. Et ceux qui en étaient arrivés à détester la désinvolture des libérateurs américains qui avaient notamment pris place auprès de leurs femmes et de leurs filles alors qu’eux étaient encore prisonniers de guerre des Allemands.

Les ouvriers mineurs PG qui se trouvaient soit au fond de la mine, soit détenus dans un camp bien gardé, avaient peu de contact avec la population. L’expression “pas vu pas connu“ pourrait refléter assez bien la nature des relations de la population locale avec les prisonniers de guerre. Ignorance voire méfiance.

Une ancienne habitante de Vottem dit “nous habitions la rue voisine du camp, à l’époque j’étais enfant et mes parents, maraîchers de profession, avaient acheté à mon frère et moi un vélo avec lequel on faisait le tour du village. Toutefois, nos parents nous interdisaient, je ne sais pas pourquoi, de passer devant le camp des PG allemands“. Et d’ajouter : “Lorsque par après, les baraques du camp furent occupées par des Italiens, il en fut de même“ ! Ce dernier commentaire explique que la méfiance de ces voisins du camp concernait davantage “l’étranger“ que l’Allemand.

Il en est de même pour cet ouvrier belge(116) qui, jeune, habitait Tilleur. Passant le soir devant le camp de PG allemand ne pouvait s’empêcher, “davantage par gaminerie que méchanceté“ dit-il, “de ramasser une pierre et de la jeter dans le camp des “Allemands“ et, lorsque ceux-ci furent libérés, il continua à faire de même cette fois en direction du camp des “Italiens“.

De fait, les prisonniers de guerre allemands n’étaient visibles que lors des trajets faits, sous escorte militaire, entre le camp et le charbonnage, tout au moins lorsque ces trajets se faisaient matin et soir à pied. Il est probable qu’un certain nombre de témoins de ces défilés quotidiens pensaient que c’était là une juste revanche des vainqueurs contre les Allemands qui les avaient envahis. Mais la mémoire populaire du quartier de La Préalle rapporte que, lors de ce trajet dans les rues de Herstal et de Vottem, il arrivait que quelques habitants, par sympathie, ou pitié, pour ces ouvriers mineurs prisonniers de guerre, leur offrent quelques friandises.

L’opinion de la population liégeoise, c’est aussi celle de sa presse régionale(117). La Meuse, en ces années d’après-guerre était quasi muette sur la présence des prisonniers de guerre allemand dans les charbonnages, tout en s’inquiétant régulièrement en première page “Aurons-nous du charbon pour nous chauffer le prochain hiver ?“ La Gazette de Liège, dans sa rubrique économique, s’inquiétait quelques fois, en quelques mots, de l’incidence de la libération des PG sur la production charbonnière. Et les deux journaux publieront quasi quotidiennement du 30 janvier au 12 février 1947 des articles sur “les explosions de charbon dans les poêles à charbon“. En cause, dit la Gazette de Liège, le 30 janvier, “des détonateurs qui seraient placés (dans le charbon) par des prisonniers de guerre allemands“, et le 31 de préciser qu’il s’agirait de “sabotage provoqué par des prisonniers allemands ou par des fascistes italiens“. Le 3 février, la Gazette s’interroge : “qui faut-il accuser : les prisonniers de guerre allemands, les inciviques ou les étrangers au travail dans nos charbonnages“ ? Ce que La Meuse du 2 février résumait ainsi : “on parle de sabotage de la part d’éléments troubles employés dans les charbonnages“ avant de s’interroger le 6 sur les prisonniers de guerre allemands. Enfin le 7 février, les deux journaux publient les conclusions du rapport des experts chargés par le parquet de faire l’enquête sur les 7 premières explosions. La cause principale des explosions est le gel et les poêles à pot bouilleur. Cet épisode, bien que ponctué de points d’interrogations, nous révèle ce que les journalistes de la presse régionale liégeoise et leurs lecteurs, pensaient des prisonniers de guerre allemands et des ouvriers mineurs.

 

Les prisonniers et leurs compagnons de travail

Il en était autrement au charbonnage où ouvriers belges et ceux d’autres nationalités se confondaient dans une même “attelée“(118) avec les ouvriers prisonniers allemands. Et cette “attelée“ commune pouvait même être très fraternelle. Ainsi en témoigne le PG Heinrich Wichmann qui dit de son travail à la Petite Bacnure : “Dans la mine, j’ai fraternisé rapidement avec des ouvriers communistes polonais et belges avec lesquels on chantait ensemble l’Internationale“. Les archives des charbonnages de la Grande Bacnure et du Hasard contiennent des registres où sont mentionnés les motifs des sanctions, souvent des retenues sur salaires, imposées aux ouvriers qui n’auraient pas respecté la discipline. Ces registres sont ainsi un indicateur des relations entre ouvriers et entre ouvriers et maitrise. Alors que chaque dispute entre ouvriers est relatée et sanctionnée, les registres de 1945 à 1947 ne mentionnent pas de disputes avec les prisonniers allemands, si ce n’est un échange de mots entre un ouvrier belge et un PG à Cheratte. Ailleurs nous avons trouvé la relation d’un incident dans un charbonnage de la région de Fléron.

On peut en conclure que pour le bassin liégeois, les relations entre ouvriers belges et allemands étaient correctes, voire fraternelles, ce qui est confirmé par les témoignages reçus. Les relations entre ouvriers sont aussi révélées par ce constat fait au charbonnage de Wérister où, par souci de santé, donc aussi du rendement au travail, les ouvriers PG étaient régulièrement pesés : “Certains prisonniers de guerre allemands marquent actuellement une augmentation de poids, ce sont ceux occupés avec des ouvriers belges qui les nourrissent, ceux qui travaillent isolément ont perdu du poids(119). La “générosité“ de ces ouvriers belges (ou d’autres nationalités) n’était pas tout à fait désintéressée puisqu’elle leur apportait personnellement un plus de production, donc de salaire, mais elle reflétait une certaine complicité dans le travail.

- A Cheratte, un ouvrier belge avait pris l’habitude de désigner son compagnon de travail allemand en le surnommant “le SS“. Un jour, excédé de se voir constamment appeler de la sorte, l’Allemand lui répliqua qu’“il (l’ouvrier belge) avait de la chance que Hitler n’était plus au pouvoir sans quoi il serait mort“. Sur ces propos, l’ouvrier belge quitta son travail et alla les rapporter à l’ingénieur responsable des travaux en demandant que l’Allemand soit sanctionné. L’ingénieur les fit appeler et leur demanda de s’excuser mutuellement mais ne voulut pas sanctionner l’ouvrier allemand bien qu’à l’époque, Léon Mundeleer, Ministre libéral de la Défense nationale, avait prescrit que, “lors de frictions entre personnel belge et prisonniers allemands, on donnât raison aux premiers !(120).

- Dans un charbonnage de la région de Fléron(121), une équipe d’ouvriers belges et un ouvrier PG sont au travail dans une taille. L’ouvrier allemand s’aperçoit qu’un étançon glisse sous la pression du toit, il crie et se précipite en avant pour repositionner l’étançon. Alerté par les cris de l’Allemand et craignant un éboulement, les ouvriers belges s’enfuient de la taille. En quittant la taille un ouvrier belge, voyant l’Allemand, s’arrête dans sa fuite, hésitant à l’aider, il est alors interpellé par un autre ouvrier belge qui lui crie : “sauve-tu è lèse li sprantchi“ (sauve-toi et laisse le se faire écraser). Néanmoins après coup, l’éboulement ayant été évité, tous furent heureux de l’intervention de l’Allemand.

Soulignons que si les relations entre ouvriers PG et autres ouvriers ne furent pas conflictuelles, on le doit au respect des dispositions “de non préjudices pour les ouvriers belges“ prises en Commission Nationale Mixte des Mines par les patrons et les syndicats(122). Ce qui aurait pu être compromis si les ouvriers PG avaient été utilisés directement(123) pour briser les grèves fréquentes à l’époque. Ce que le charbonnage des Six-Bonniers avait en mai 1946 refusé en n’acceptant pas l’offre du Commandant du camp de Seraing qui proposait d’envoyer au charbonnage des PG pour remplacer les ouvriers en grève(124).

 

Les prisonniers et la maîtrise du charbonnage

La maîtrise d’un charbonnage c’est une hiérarchie de chefs : directeurs, ingénieurs, maitres-ouvriers, surveillants. Si les ouvriers n’ont que peu de contacts avec les directeurs et ingénieurs, ils sont en permanence confrontés à l’autorité des maitres ouvriers et des surveillants. Dire que les relations entre les prisonniers allemands et cette maitrise étaient correctes, c’est dire qu’elles n’étaient guère différentes de celles vécues par les autres ouvriers toutes nationalités confondues. C’est dire que les prisonniers, comme les autres ouvriers, étaient confrontés autant à la dureté du travail minier qu’à l’attitude des surveillants, y compris des plus grossiers d’entre-eux. Ce n’était pas sans raison que la profession de mineur était désertée par ses ouvriers. Quant aux patrons charbonniers, ils appréciaient “la discipline et le sérieux au travail“ de leurs prisonniers allemands(125). Ce qui n’empêchait pas ces prisonniers allemands de suivre occasionnellement l’exemple des mineurs belges et de protester, malgré les sanctions qu’ils encouraient. Les archives des charbonnages nous relatent quelques incidents :

- Au Charbonnage du Hasard, au second semestre de 1946, un certain nombre d’ouvriers PG allemands, de façon concertée, s’opposent au travail d’abattage qui leur est proposé, préférant restés ouvriers manœuvres. Pour les uns, il s’agit d’une opposition de principe, d’autres invoquent divers motifs : blessés, malades, ou mal payés. L’ingénieur du charbonnage, ne pouvant les contraindre, les renvoie à leur travail de manœuvre et fera rapport au commandant du camp(126).

- A Micheroux, un ouvrier PG refuse un travail supplémentaire. Le surveillant lui dit qu’il sera puni. L’ouvrier PG lui répond que s’il est puni, il lui donnerait un coup de pic sur la tête. L’ingénieur, à qui on a rapporté ces propos, sanctionne le PG de 3 jours sans salaire, le réprimande et fait rapport au Commandant du camp de Fléron(127).

- Du 8 au 15 octobre 1946, les abatteurs des charbonnages de Cheratte et de Wandre protestent en diminuant volontairement leur production. Un ingénieur veut les raisonner, un ouvrier PG lance en sa direction un bloc de charbon. Un renforcement de la discipline au camp et dans les déplacements et l’imposition d’un rendement minimum auront raison des protestataires(128).

- En février 1946, “des tracts subversifs“ sont trouvés dans un certain nombre de camps et il y a une recrudescence d’évasions. En réponse, l’Administration des Mines recommande aux charbonnages de pratiquer la fouille des PG allemands avant la descente. Les patrons charbonniers refusent car ils estiment que ce sont les militaires de l’escorte qui doivent procéder aux fouilles(129).

- Du 11 au 24 octobre 1946, des ouvriers PG du charbonnage de Bois-d’Avroy refusent plusieurs jours consécutifs de travailler dans un chantier à l’endroit où un ouvrier libre a été victime d’un accident mortel. Persuasion du commandant du camp, mise au cachot de 2 PG, présence des gardes militaires au fond de la mine feront que les PG reprendront le travail “en promettant de travailler partout où on leur commandera(130) !

Il est vrai qu’il était prévu qu’en cas d’incidents sur les lieux de travail “Des ordres seront donnés aux soldats belges pour descendre dans la mine, afin d’y rétablir éventuellement l’ordre troublé par les PG“(131). Et de plus, les ouvriers PG qui troubleraient l’ordre pourraient, tout comme les PG repris après une tentative d’évasion, être transférés dans la “section disciplinaire(132) du camp d’Erbisoeul.

 

Témoignages

 

Témoignage de W. Wartmann, ouvrier mineur ex PG de guerre allemand qui après sa détention au camp de Vottem resta en tant qu’ouvrier mineur en Belgique et habita à Oupeye. Témoignage donné en 1994 et 1995 :

Certains prisonniers de guerre allemands transférés du camp d’Erbisoeul au camp de Vottem avaient déjà auparavant travaillé en tant que prisonniers de guerre en Amérique“.

“ Les PG du camp de Vottem travaillaient dans les charbonnages des 2 Bacnures à Herstal, de Batterie, de Belle-vue et des 2 sièges d'Abhooz. A Vottem, il y avait plus ou moins 1.500 prisonniers“.

En rentrant au camp de Vottem, après le travail à la Petite Bacnure, alors qu'on était en groupe et escorté, un PG allemand s'enfuit, il fut abattu (je crois, sur le haut de la rue Rogivaux) par un soldat belge, qui fut choqué de l'avoir tué“.

 

Témoignage d’un ouvrier italien arrivé à la Petite Bacnure en 1946, “J’ai connu en 1946 des ouvriers prisonniers de guerre allemands. Ceux-ci recevaient 10fr par jour, tandis que moi pour le même travail, j’avais à l’époque +/- 170fr par jour. Quelques fois, les ouvriers prisonniers allemands donnaient un coup de main aux abatteurs qui leur donnaient un supplément à la quinzaine, ainsi les ouvriers allemands travaillaient fort et étaient contents."

 

Témoignage de Heinrich Wichmann qui a travaillé à la Petite Bacnure de 1945 à 1947 en tant que prisonnier allemand. A sa libération il est rentré définitivement en Allemagne. En février 1991, il est revenu “en touriste“ avec sa famille à La Préalle revoir les lieux où il avait travaillé, d’où son témoignage. “Je suis né en juin 1927. Alors que j’étais étudiant en Allemagne, j’ai reçu de 1943 à mars 1944 l’écolage FLAK (Défense Anti-aérienne). En juin 1944, je suis appelé au service du travail du Reich. En octobre 1944, je suis recruté comme militaire et envoyé au front de l’Est. En janvier 1945, blessé par plusieurs éclats de grenade, je suis transporté de Stettin (aujourd’hui en Pologne) vers Flensburg (à la frontière Danoise, près de la mer Baltique). En congé de convalescence, je suis fait prisonnier par les Américains à Bitterfeld, je m’évade mais je suis repris après 5 jours. Cette fois Prisonnier de Guerre des Américains, j’échoue dans le grand camp de prisonniers de Bad Kreuznacht (Onder Nahe). Ce fut un temps très pénible, 250.000 prisonniers avaient faim, soif et végétaient en plein air dans ce camp tenu par les Américains. C’est là que je vécus le jour de la capitulation le 8/5/1945. Pour échapper à ces mauvaises conditions de vie, j’ai volontairement accepté de venir travailler en Belgique. Je suis arrivé en Belgique, près de Waterloo (à Overijse) dans un camp gardé par les Anglais, il y avait de l’ordre mais la nourriture était insuffisante. Après un contrôle médical à Mons (à Erbisoeul) où je fus reconnu apte au travail dans les mines, j’arrive aux environs du 20 novembre 1945 au Camp de Vottem gardé par des soldats belges. Dans la mine, j’ai fraternisé rapidement avec des ouvriers communistes polonais et belges avec lesquels on chantait ensemble l’Internationale. Dans le fond, j’étais affecté au transport. Avec l’argent que je recevais pour mon travail, j’achetais des cigarettes. “

 

Témoignage de Kurt Tschirr(133), né le 7/12/1926, prisonnier de guerre allemand d’abord détenu en Allemagne dans un camp américain, puis, à son insu, transféré en juillet 1945 en Belgique au camp d’Overijse, puis au camp de Chatelineau pour sa mise au travail dans un charbonnage. Libéré en octobre 1947, il resta au travail au charbonnage et s’installa définitivement en Belgique.

…“On nous annonce … qu'ils vont nous libérer. Ça faisait donc à peu près deux mois que nous étions dans ce camp (à Mönchengladbach en Allemagne). ‘‘Quand on nous a dit ça et que nous sommes partis en train, nous étions contents car on croyait qu'on allait enfin retourner chez nous ! Oui mais le train, à la place d'aller à l'est vers Cologne, il allait à l'ouest vers Aix-la-Chapelle. Nous sommes finalement arrivés en Belgique, près de La Hulpe (au camp d’Overijse) …

A Presles, c'était un village d'ouvriers. Et il y avait déjà beaucoup de gens que je connaissais car ils travaillaient avec moi au charbonnage. Donc, je n'ai pas eu de problème avec eux. Mais bon, il fallait tout de même se méfier des gens, surtout quand ils sont saouls ! … Il m'est arrivé d'aller quelques fois au café. Une fois que les clients avaient bu un verre, ils m'appelaient "le Boche". Moi je leur répondais : "Je sais que je suis un Boche, tu n'as pas besoin de me le dire, je le sais bien..." Et c'était tout ! Il ne fallait pas tomber dans le piège et se vexer, ça ne servait à rien. Mais pourquoi les Belges et les Français appellent-ils les Allemands "les Boches" ? Ça vient d'où ce surnom ? … Je crois que c'est dans tous les pays comme ça... on donne toujours un surnom pour les étrangers. En Allemagne, nous avions des surnoms pour les Américains et pour les Russes et eux faisaient la même chose avec nous …“

 

Témoignage de M. Maréchal, un militaire belge : “La 25ème était composée d’anciens résistants incorporés à l’armée belge. En octobre 1945, avec d’autres militaires de la 25ème, je suis chargé d’escorter des convois de prisonniers de guerre allemands provenant du Danemark, et volontaires pour aller travailler dans les mines belges. Le transport se fit dans un train de 30 à 35 wagons à bestiaux, les prisonniers n’y étaient pas entassés comme les Allemands le faisaient. Ils furent envoyés au camp d’Overijse, camp d’arrivée et de triage, puis, de là, transférés dans divers petits camps. Pendant le trajet, quelques-uns tentèrent de s’enfuir. Repris, ils étaient punis. Les punis devaient rester à genoux, puis debout comme un i et astreints à des corvées de nettoyage des wagons, quelques-uns des évadés furent blessés mais on devait veiller à ne pas abimer la marchandise ! Ces PG étaient des soldats de la Wehrmacht mais quelques SS s’étaient infiltrés parmi eux. Les inaptes à la mine étaient renvoyés dans des camps en Allemagne“.

 


Documents et livres consultés :

Archives des Charbonnages de la Grande Bacnure, WF GB en dépôt au CLADIC à Blegny-Mine.

Archives des Charbonnage d’Abhooz et Bonne Foi Hareng, WF Ab en dépôt au CLADIC à Blegny-Mine.

Archives du Charbonnage du Hasard, WF HC et WF HM en dépôt au CLADIC à Blegny-Mine.

Archives de l’Association des Charbonnages de la Province de Liège, Rapport des séances hebdomadaires, WF As Charb Lg en dépôt au CLADIC à Blegny-Mine.

AUBRY J.M., Les Prisonniers de Guerre en Belgique, www.fleurus.be

BRÜLL Christophe, L’Armée belge d’occupation et les Allemands 1945-1956, www.cegesoma.be.

CALENS Roger, Les camps britanniques en Belgique, www.frcpb.be , Belgaphil

CARPENTIER Vincent et MARCIGNY Cyril, Investigations récentes sur les camps de prisonniers allemands, Archéopages, 2014, du site https://journals.openedition.org/archeopages/549.

DEBECKER Gilbert, Les camps de prisonniers de guerre numéro 2228 d'Overijse-Terlanen, contribution à l'histoire d'IJse, Lane et Dijleland, Overijse, 1984.

DELATTRE Achille, Interpellation sur le problème charbonnier, éd. Maison syndicale, 1947, en consultation au CLADIC à Blegny-Mine.

FREUVILLE Louis, Les POW, prisonniers de guerre allemands, CLAM, t.V, fasc.3, juillet-septembre 1992, sur le site clham.org/t.5-fasc-3-POW

KAUFFMANN Grégoire, Les prisonniers de guerre de la Wehrmacht à la mine - 1944-1949, article de l’Express du 7/6/2014.

OVERMANS Rudiger, Heimkehr Le retour des prisonniers de guerre allemands de 1945 à 1956, Presses Universitaires de Rennes, 2008.

SUNOU Philippe, Les prisonniers de guerre allemands en Belgique et la bataille du charbon 1945-1947, Bruxelles Musée Royal de l’Armée, 1980, en consultation à l’IHOES à Seraing.

THEOFILAKIS Fabien, Les prisonniers de guerre allemands, Une captivité de guerre en temps de paix, France 1944-1945, éd. Fayard. 2014

TSCHIR Kurt, Interview, du site www.croixdefer.net

VANKERKEL Odon et PEQUET Emile, Histoire du camp de prisonniers d’Erbisoeul, du site jurbistory.blogspot.com/p/le-camp.html 


 

Notes :

(1) F. Théofilakis, p.416. : “6 à 7 millions de prisonniers en mains des anglo-américains en juin 1945“.

(2) in Ph. Sunou, p.11. : Convention du 4/7/1945 avec l’armée britannique et convention du 14/7/1945 avec l’armée américaine.

(3) Ph. Sunou p.5. : La production journalière de charbon belge en 2/1945 égale 20% de celle de 12/1938. Soit une diminution de 80%, qu’il explique par une diminution de 28,9% du nombre d’ouvrier, dont la production journalière individuelle est diminuée de 30,9 %, et de plus diminué de 20,2 % en raison du contexte de 2/1945 fait d’absentéisme, de grève, de vol, etc . / WF As. Char.lg 11/07 du 16/02/1945. : Les patrons charbonniers du bassin liégeois se plaignent en 2/1945 de ne retrouver que 56% de leur personnel de 04/1940.

(4) J.M. Aubry, p.1. : “Les Américains cédèrent des prisonniers en provenance d’Italie, des Etats-Unis, et d’autres pays d’EU occidentale“.

(5) L. Freuville : Au 30/04/1945 il y avait 195.000 PG détenus en Belgique dans 13 camps anglais et 2 camps américains.

(6) dit Vanderkel /  J-M Aubry, p.1. : “Le travail effectué par les PG au Limbourg encourage le gouvernement belge à en demander d’autres “.

(7) Notent les patrons charbonniers liégeois, WF As Charb Lg 11/32 du 27/07/1945. / Vankerkel : Au camp d’Erbisoeul était détenu des “sous-officiers réfractaires“.

(8) Ph. Sunou p.14 et 109 : Les 340 premiers prisonniers de guerre arrivent dans le Limbourg à la fin avril 1945.

(9) Ph. Sunou, p. 14.

(10) Voir le texte de la Convention de 1929 sur le site de la CICR.

(11) La Convention précisait que les PG ne pouvaient pas être affectés à des travaux de déminage, ce que la Belgique ne respecta pas.

(12) D’où l’expression de F. Théofilakis, p.20, “Une captivité de guerre en temps de paix“ / p. 436 : Le “motif“ de non libération était l’absence de traité de paix conclu avec un Etat allemand qui, de fait, au lendemain du 8 mai 1945, n’existait plus.

(13) Voir le témoignage de Kurt Tschirr.

(14) Voir le témoignage de Heinrich Wichmann.

(15) Debecker : Overijse, camp géré par l’armée britannique, ouvert en mai 1945 et d’une capacité de 60.000 PG, ce camp a eu comme fonction d’être un “camp de transit et de triage“. Les conditions de détention y étaient, selon les rapports du CICR, très variables, mauvaises ou correctes suivant les périodes. /  Il est probable que les premiers transferts de prisonniers vers les camps de travailleurs du Limbourg ont été faits au départ du camp anglais d’Overijse ; par la suite les PG d’Overijse passaient par Erbisoeul au moins pour l’enregistrement et la visite médicale.

(16) Voir le témoignage de Marechal / En principe, les Waffen S.S. étaient détenus séparément des soldats de la Wehrmacht et soumis à des conditions de détention davantage contraignantes.

(17) J.M. Aubry, p.1 : N’étaient pas recrutés par les charbonnages, les PG inaptes médicalement et les PG âgés de plus de 50 ans.

(18) WF As Ch Lg 11/12 du 23/03/1945 : “Les Alliés sont opposés en principe à l’emploi de soldats PG DE dans les mines de sorte que les allemands qui y seront occupés seront surveillés par des militaires belges et non alliés“ / L’article 32 de la Convention de Genève précise que “ il est interdit d'employer des prisonniers de guerre à des travaux insalubres ou dangereux.

(19) F. Théofilakis, p. 540 et 541.

(20) L. Freuville : En plus de ces 32 + 6 camps, il y avait 3 camps de démineurs, soit un total de 41 camps de travailleurs en Belgique, 42 si l’on compte la section d’Erbisoeul qui détenait des PG travaillant dans des secteurs autres que les charbonnages.

(21) D. Costelle, Prisonniers nazis en Amérique, éd. Acropole, 2012 : “Dans des camps de PG allemands situés en 1944 au Kansas et en Alberta, le drapeau nazi flottait et on y fêtait les fêtes nazies“.

(22) Cit. de Marechal.

(23) WF As Charb Lg 11/39 du 14/09/1945

(24) WF As Ch Lg 11/12 du 23/03/1945. : “A Liège, seuls les charbonnages qui ont des camps ayant servi au PG Russes auront des PG DE“.

(25) J-M. Aubry, p.1.

(26) 2 cit. de WF As Charb Lg 11/33 du 04/08/1945.

(27) Ph. Sunou, p.81. / WF As.Charb. Lg 11/52 du 14/12/1945.

(28) Ph. Sunou, p.111 : Au 18/10/1945 : 8.384 PG sur un total de 20.110 abatteurs et au 14/02/1946 : 12.230 PG sur 24.440 abatteurs.

(29) WF ABFH 33/01 : Lettre circulaire du 08/02/1947 de la Dir. Gén. des Mines envoyée aux Charbonnages, suite à la disparition de cartouches d’explosifs constatée dans un charbonnage lors d’un transport de caisses d’explosifs par un ouvrier belge aidé d’un P.G. allemand.

(30) La crainte des sabotages est exprimée à plusieurs reprises. En avril 1945, à Liège, le Comité d’initiative du Charbon créé en vue de relancer la production recommande l’emploi des PG “en veillant à ce qu’ils ne commettent pas d’acte de sabotage“. En décembre 1945 on rapporte, à la direction du Charbonnage du Hasard à Micheroux, les propos tenus incidemment par un ouvrier PG à ses compagnons de travail, il dit “ car il y a moyen de se venger dans la mine. Il y a l’explosif des boutefeux et il y a aussi la benzine (des lampes de mines) pour provoquer l’incendie“ : WF HM 1103/04-05 Note du 03/12/1945, rapport de conversation entre Kardas, Jeziorek et Tomala. / Cette crainte, bien que sans fondement, s’empara même de la population liégeoise en janvier et février 1947 suite à l’affaire, du charbon qui explosait dans les poêles à charbon !

(31) Les prisonniers allemands mis au travail en Belgique par les Américains et les Anglais étaient identifiés par les lettres “PW“.

(32) “Les Belges avaient des lampes à verre blanc uni ; les porions voyaient leur verre orné d'un filet rouge, et les Allemands d'un filet bleu “ note le militaire L. Freuville chargé de l’escorte des PG d’un charbonnage limbourgeois.

(33) WF As Charb Lg 11/33 du 04/08/1945“ : Il ne sera pas admis des PG allemands à la surface“.

(34) WF HM 804/03 : Attestation bilingue FR-DE, datée du 12/01/1946.

(35) Ph. Sunou p.80.

(36) Ph. Sunou p.111.

(37) Overmans : Les Alliés avaient décidé de contrainte l’ennemi vaincu “au travail forcé réparatoire et ceci pendant des années“ / Kauffmann : à partir 1946, il fallait au plus vite “faire se relever l'Allemagne (de l’Ouest) face à la menace communiste“.

(38) Ph. Sunou, p.57, 58 : L’Eglise catholique, de l’Archevêque de Berlin en août 1946 au Pape dans son allocution du 1er juin 1946 était particulièrement active pour demander la libération des PG allemands.

(39) F. Theofilakis, p.432 : La Commission œcuménique des Eglises en septembre 1946.

(40) F. Théofilakis, p.431 : Le CICR avait, dès le 21 août 1945, lancé solennellement un appel à libérer tous les prisonniers.

(41) WF As Charb Lg 12/02 du 16/01/1947 : Le licenciement des PG DE est imposé par les Autorités alliées.

(42) Citation de A. Delattre.

(43) J.-M. Aubry, p.4 : “Les Etats-Unis, dans une note officielle, impose à la Belgique, la France, le Luxembourg et la Hollande le rapatriement des PG avant la fin octobre 1947“.

(44) WF-GB-39/47 Rapport du C.A. à l’A.G. du 26/03/1948.

(45) Kurt Tschirr : dit “C'est les fainéants qui sont partis les premiers et les bons qui devaient rester“.

(46) WF-GB-39/47 Rapport du C.A. à l’A.G. du 26/03/1948.

(47) Ph. Sunou, p. 40.

(48) L. Freuville.

(49) Véloûte : branchages servant de garnissage dans les vides du toit de galeries de façon à éviter la chute des pierres.

(50) Ph. Sunou, p. 40.

(51) Annales parlementaires, Chambre des représentants, séance du 13 juin 1946 : Parmi les 16 victimes : 9 prisonniers de guerre allemands, 3 Belges, 2 Polonais, 1 Tchèque et 1 Français d’origine marocaine.

(52) WF HC 080/02 : exemplaire du contrat.

(53) WF HC 080/01/47 Circ. du 29/05/1947 de la Police de Etrangers : Permis de séjour en Belgique portant la mention "Séjour subordonné au travail à la mine".

(54) WF HM 585/07 : Questionnaire d’appréciation de PG candidat travailleur libre dans les mines, Ministère de la défense nationale section P.O.W.

(55) WF HM 3340/06 : Document bilingue DE-FR, “J’affirme n’avoir été l’objet d’aucune pression dans le choix de ma décision, je dispose d’un délai de 6 semaines pour m’adresser au Comité International de la Croix-Rouge pour établir que je n’ai pu agir en toute liberté“.

(56) Ph. Sunou, p.64 / 4000 selon Cl. Gaier, Huit siècles de houillerie liégeoise, Liège, éd. Perron, 1988, p. 163.

(57) A. Delattre : “Non pas de ça, je vous en prie. La blessure que ce peuple nous a faite est encore trop vive, trop douloureuse pour admettre ce mélange ou ce côtoiement ; ce serait une injure à nos nombreux morts“.

(58) WF HM 116 : Salaire et colis en DE / WF HC 080/01/48 : Regroupement familial pour épouses et enfants résidants en DE des ouvriers ex PG -13/04/1948

(59) F. Théofilakis, p.449.

(60) R. Callens.

(61) WF As Charb Lg 11/33 du 04/08/1945.

(62) Ph. Sunou, p.50.

(63) Fédéchar, Les travaux du fond de la mine, brochure : la Fédération Charbonnière de Belgique recommandait pour ses nouveaux mineurs une période d’apprentissage de 4 mois, soit 3 jours de formation en surface, suivi de 18 jours d’initiation au fond (dont 9 jours en taille), puis une période d’adaptation de 3 mois.

(64) WF As. Charb. Lg 11/66 du 22/03/1946, 11/93 du 18/10/1946 et 11/96 du 15/11/1946.

(65) L. Freuville : cet argent de camp était présenté sous forme de bons d’achat valables uniquement à la cantine du camp.

(66) WF As. Charb. Lg 11/63 du 1/3/1946 : % établi d’après les données de la situation comptable des salaires des PG du bassin de Lg.

(67) Vanderkel : “Pourtant, l'argent rentrait, car les employeurs payaient la main-d’œuvre qui leur était fournie, mais les responsables des camps n'en recevaient qu'un faible pourcentage ; aussi, après avoir nourri en priorité les travailleurs, ne restait-il que de maigres rations à distribuer aux inactifs“.

(67) WF As Charb Lg 11/43 du 01/10/1945.

(68) WF As Charb Lg 11/58 du 25/01/1946.

(69) WF As Charb Lg 11/42 et 11/43 de 10/1945

(70) WF As Charb Lg 12/10 du 21/03/1947 // cfr article 27 de la Convention de Genève de 1929.

(71) WF As Charb Lg 11/93 du 18/10/1946 / WF HM 3259 / La Crise charbonnière devant l’Opinion, 9/1947, impr. Van Buggenhoudt, Bxl, p.5.

(72) J-M. Aubry, p. 3 : “C’est la bière qui est le produit le plus vendu dans les cantines des camps“.

(73) Ph. Sunou, p. 17-18 et 55.

(74) WF As Charb Lg 12/15 du 16/05/1947.

(75) WF-GB 40/14 : Grande Bacnure, Notes de frais relatives aux PG DE.

(76) Voir sur le site de la CICR : l’article 34 de la Convention de 1929 relative au traitement des prisonniers de guerre.

(77) Témoignage de Vander Elst, un ancien habitant de Vottem.

(78) Témoignage de J. Noelanders de Vottem.

(79) La capacité du Camp de Vottem étant de 2.000 P.G.

(80) Ph. Sunou, p.29.

(81) F. Theofilakis : Cette pratique était commune aux camps de détention des Alliés où, entre l’autorité militaire et les PG, il y avait une structure d’autorité composée de gradés allemands.

(82) WF As Charb Lg 11/35 du 24/08/1945.

(83) Voir Vanderkel, “Le mirador“, un dessin au crayon fait par S. Esslinger, PG au camp de Vottem.

(84) WF As Charb Lg 11/66 du 22/03/1946.

(85) Lui-même prisonnier de guerre avec le statut de personne protégée donc exempte de travail autre que son ministère.

(86) WF HM 0073 à 3320.

(87) F. Théofilakis, pp. 135-166 “Contrôler les corps et les âmes“.

(88) WF WF 003/17.

(89) Le YMCA -Young Men’s Christian Association- est une association d’origine religieuse à caractère social fondée en 1884 en Grande-Bretagne.

(90) La Meuse du 18/02/1947 : lors de sa visite, Mgr Cento est rejoint par l’Evêque de Liège, Mgr Kerkhofs, évêque de Liège, qui bénit la chapelle édifiée derrière les barbelés du camp de Jemeppe-sur-Meuse.

(91) Mgr Cento visite les camps au titre de délégué de la Mission Vaticane, in La Meuse du 18/02/1947.

(92) Ph. Sunou, p.100.

(93) WF As Charb Lg 11/07 du 16/02/1945: et WF As Charb Lg 11/10 du 09/03/1945 : “les autorités belges et alliées sont bien d’accord pour changer la nourriture copieuse qui leur est distribuée actuellement“.

(94) WF As Charb Lg 11/47 du 09/11/1945 et WF As Charb Lg 11/46 du 02/11/1945.

(95) J-M. Aubry, p.2.

(96) Ph. Sunou, p.16-17.

(97) J-M. Aubry, p.2.

(98) Ph. Sunou, p.17.

(99) WF HM 1103/04-05 - Rapport de conversation de l’ouvrier PG Kardas à ses compagnons de travail “Les SS doivent rester 20 ans dans les mines“.

(100) La Convention de Genève de 1929 donnait le droit aux prisonniers de guerre de désigner parmi eux un représentant qui avait pour fonction de les représenter et de les défendre auprès des autorités militaires. / F. Théofilakis, p.187 : l’homme de confiance désigné par les prisonniers n’exerçait toutefois sa fonction qu’après approbation du Commandant du camp. / Le CICR, lors de ses visites faites aux camps, veillait à ce que les hommes de confiance possèdent un exemplaire en allemand de la Convention.

(101) Ph. Sunou, p. 65 : Lettre du 22/10/1946 adressée par le colonel Devyver au Premier Ministre.

(102) La Meuse du 12/02/1947.

(103) Témoignage de I. Saccomano, mineur italien.

(104) C. Brüll, p. 59.

(105) C. Brüll, pp.63-68.

(106) G. Kauffmann concernant les camps de détentions français dit “ l'occupant allemand devient un captif de l'occupé, il doit payer : insultes, crachats, coups de crosse, entassement dans des camps insalubre“.

(107) Ce fait, localisé par G. Debecker, à Overijse est relaté de façon identique mais localisé par F. Théofilakis, p. 37, dans un camp situé en France. Comme tout témoignage de source orale non vérifié, il n’est pas à prendre comme fait réel mais comme témoignage, ici d’un certain état d’esprit des relations entre gardes et prisonniers.

(108) G. Debecker.

(109) Ph. Sunou, p.30.

(110) F. Théofilakis, p.124.

(111) F. Theofilakis, p.34.

(112) Ph. Sunou p. 20,58 et 100.

(113) G. Debecker : camp d’Overijse “Cependant une surveillance discrète a été jugée nécessaire car certains pasteurs ont conservé certaines idées de l’ancien régime“.

(114) Ph. Sunou, p. 76.

(115) WF HM 2935 01-35 / C. Brüll, p.66 : note à propos de certains militaires belges en Allemagne “La haine et la rage anti-allemandes sont probablement encore dépassées par la haine des collaborateurs

(116) Témoignages de M.M. et de M.S - WF 2018.

(117) Gazette de Liège des 20, 30 et 31/01 et du 3 au 7/02/1947. / La Meuse des 2, 5 à 7, 9 à 12/02/1947.

(118) J. Haust, La houillerie liégeoise, éd. Vaillant-Carmanne, Lg, 1925, p.10 : attellée / atèleye : avant la descente, formation des équipes d’ouvriers pour chacun des chantiers.

(119) WF As Charb Lg 11/46 du 02/11/1945.

(120) Ph. Sunou, p.33.

(121) Ph. Sunou, p. 36.

(122) WF As Charb Lg 11/33 du 04/08/1945.

(123) Ph. Sunou, p. 130, conclu que “la présence des prisonniers atténua l’effet des grèves“, mais il s’agit là non du résultat d’une confrontation directe de PG avec les grévistes mais du fait que les PG par leur apport de production les jours de travail avaient réduit les conséquences de la non-production des jours de grève.

(124) WF As Charb Lg 11/72 du 24/05/1946: “Six-Bonniers signale que le Commandant du Camp s’est offert de lui envoyer des P.G. pendant les grèves, mais sous la responsabilité de la Mine, ce qui a été refusé“.

(125) Ph. Sunou, p. 77.

(126) WF HM 1039/04 : Rapport de l’ingénieur Etienne du 07/08/1946 au Commandant Legros du camp de Fléron.

(127) WF HM 608/04.

(128) Ph. Sunou p. 155.

(129) WF As. Charb. Lg 11/62 du 22/02/1946.

(130) Ph. Sunou, p. 156.

(131) WF As Charb Lg 11/88 du 13/09/1946.

(132) Vanderkel : A Erbisoeul, on construisit des baraquements, toutefois la section discipline resta sous tente.

(133) Extrait de Tschir Kurt, Interview, du site www.croixdefer.net


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