Actualités - Les salines de Salins-les-Bains (Jura)

Publié le 1 octobre 2011

Par Claude Depauw

À l’occasion du colloque international « La Franche-Comté et les anciens Pays-Bas aux 15e-17e siècles » qui s’est tenu à Salins-les-Bains les 8 et 9 avril 2011, j’ai eu l’occasion, avec les autres participants, de bénéficier d’une visite guidée de la Grande Saunerie et du Puits à muire.

Pendant des milliers d’années, les hommes ont puisé la saumure du sous-sol pour en extraire le sel, bâtissant ainsi la notoriété et la richesse de la ville. Le sel est alors extrêmement précieux et objet de multiples convoitises. Avec ses 3.300 Salinois en 2010 (8.000 en 1801), Salins est une petite ville du Jura qui tire son nom de cette exploitation. Ses établissements de production de sel sont déjà actifs au Haut Moyen Âge et fournissent d’importants revenus à leurs propriétaires au premier rang desquels figurent les ducs et comtes de Bourgogne.

La vallée étroite de la Furieuse, située entre deux massifs de 600 mètres d’altitude, offre à Salins un système défensif naturel que dominent deux citadelles, le châtel Belin (13e s., reconstruit au 19e s.), et le mont Saint-André, une citadelle due à Vauban qui a remplacé un fort espagnol de 1674. Constituée jusqu’en 1497 de deux bourgs distincts, la ville s’est vue dotée d’une enceinte de 25 tours, 5 portes et 3 forteresses sous le duc de Bourgogne Jean Sans Peur. Il reste encore 4 tours et quelques vestiges de ces remparts destinés à protéger un joyau, les Salines.

Mais d’autres joyaux illustrent aussi Salins. Avec ses 5 églises et bien d’autres bâtiments civils, la ville offre une vingtaine de monuments historiques protégés. Les plus remarquables sont l’église Saint-Anatoile (11e-13e s.) et l’hôtel de ville (1718-1739) avec le dôme de la chapelle Notre-Dame Libératrice (1639). Par ailleurs, l’architecture élégante et sobre des hôtels nobles révèle la fortune urbaine et viticole de la noblesse. Le bâti urbain, en pierre de taille ou en crépi, aux reflets beiges ou gris, sous des toitures de tuile rouge ou brune, s’étage sur les coteaux. Il s’est développé sur le versant ensoleillé de la rive droite, le long de voies étroites et sinueuses, parfois en escaliers, bordées de murs en pierre et de jardins en terrasse. Il faut noter que 300 maisons sont détruites lors de l’incendie qui a ravagé en 1825 une partie de la ville située dans le fond de la vallée, ce qui a permis, lors de la reconstruction, la percée de la grande voirie qui la traverse maintenant.

Haut lieu historique et industriel comtois, les Salines de Salins sont reconnues Patrimoine Mondial par l’UNESCO depuis juin 2009, en extension de la Saline Royale d’Arc-et-Senans. Il s’agit du tout premier ensemble industriel français à figurer sur cette prestigieuse liste.

Il faut savoir que les Salines de Salins et celles d’Arc-et-Senans sont intimement liées. En 1773, vu les difficultés d’acheminer le bois vers Salins, l’administration royale sous Louis XV et Louis XVI décide d’édifier une nouvelle saline à Arc-et-Senans, à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Salins, afin d’accroître la production régionale de sel. L’architecte révolutionnaire, Claude-Nicolas Ledoux, édifie la Saline Royale en bordure de la Forêt de Chaux. Elle fonctionne pendant 120 ans grâce à une partie des eaux salées de Salins, envoyées à l’aide de conduites en bois appelées "saumoducs". Des éléments en sont présentés au Musée du Sel de Salins.

Ouvert depuis le 1er mai 2009 dans une architecture et une scénographie résolument modernes, le Musée du Sel présente les Salines comme sa principale pièce de collection. Dans un subtil mélange de verre, de bois, de métal et de pierre inscrit dans le bâtiment historique, il permet de restituer l’ampleur du site à l’époque florissante de l’or blanc. Y sont racontés 1200 ans d’histoire du sel et de son exploitation en Franche-Comté : d’où vient le sel ? comment est-il exploité dans le monde ? qu’est-ce que le métier de saunier ? à quand remonte l’exploitation du sel à Salins-les-Bains ? Entre exposition permanente et projection audiovisuelle, la visite se prolonge jusqu’au magasin des sels, au cœur des bâtiments historiques rénovés. Au temps de son activité, qui a cessé en 1962, l’établissement industriel s’étendait en surface sur deux hectares. Chaque bâtiment y avait un rôle bien précis : chapelle, bernes, magasins, ouvroirs, écuries, forges, entrepôts, ...

La visite des Salines a débuté par la descente dans les monumentales galeries souterraines et leurs extraordinaires voûtes médiévales en plein cintre (13e s.) que les participants au colloque ont parcouru sous la conduite de M. Yann Garnache, directeur des Salines et de l’Office du Tourisme. Certaines de ces galeries doivent encore faire l’objet de fouilles car elles sont remplies jusqu’à la moitié de leur hauteur originelle des cendrées provenant des chaudières des poêles. D’autres abritent encore deux puits, chacun pourvu à l’origine de plusieurs sources. Un système de pompage hydraulique datant de 1848 et toujours en fonctionnement puise à près de 250 mètres de profondeur une saumure chargée de 330 grammes de sel par litre. Ce n’est qu’au 18e s. que la force hydraulique a été adoptée pour actionner les pompes destinées à élever la saumure jusqu’à la surface. Auparavant, des norias mues par des moulins à chevaux élevaient la saumure d’un étage à l’autre.

Salins continue à exploiter l’or blanc en devenant, après 1850, une cité thermale. L’établissement thermal actuel, dont les cures sont bénéfiques à ceux qui souffrent de rhumatismes, d’arthrose ou encore d’ostéoporose, est approvisionné par de la saumure tirée du Puits à muire, situé sous l’Hôtel des Bains, que les participants au colloque ont visité grâce à l’obligeance de M. Jean-Paul Favereaux, adjoint au maire chargé des affaires culturelles. Tout en bas de plusieurs salles superposées présentant le même type de voûte que dans les galeries de la Grande Saunerie, des pompes électriques puisent par un forage moderne à environ 150 mètres de profondeur l’eau nécessaire aux soins chargée de 180 à 200 grammes de sel au litre.         

Depuis le Moyen-Âge, les Salines de Salins portent témoignage d’une activité de type industriel, comme l’a montré l’intervention préalable à la visite qu’a donnée aux participants du colloque Mme Patricia Guyard, archiviste-paléographe, directrice des Archives départementales du Jura, auteure de l’ouvrage Les forêts des salines. Gestion forestière et approvisionnement en bois des salines de Salins au 16e siècle (2 tomes, 780 pages, Association des Amis des Archives de Franche-Comté, 2011). Il m’apparaît dès lors qu’au même titre qu’Arcs-et-Senans, Salins mérite le détour pour tout amateur de patrimoine industriel, qu’il soit moderne ou ancien.

Informations pratiques

Les Salines sont ouvertes tous les jours de février à novembre; les week-ends et vacances scolaires en décembre et janvier. Fermeture les 25 décembre et 1er janvier. Visites guidées d’une heure, suivies d’un accès libre au Musée du Sel.

La galerie est accessible par un escalier de 50 marches. Température en sous-sol : 12° C. Prévoyez des vêtements adaptés.

Salines de Salins-les-Bains - Place des Salines F - 39110 SALINS LES BAINS - Tél. : 03 84 73 10 92 - Fax : 03 84 37 92 85 - accueil@salinesdesalins.com