Actualités - Les chefs-d'oeuvre de La Fonderie

Publié le 10 juillet 2016

par Pascal Majerus, Conservateur à La Fonderie

 

"Chef-d’oeuvre : Ce qui est parfait dans son genre". Telle est la définition donnée par le Larousse.
Cet été, le Conseil Bruxellois des Musées souhaite attirer l'attention des Bruxellois, des Belges et des touristes sur la grande richesse du patrimoine muséal de la ville.
Nos musées regorgent de pièces magnifiques. Cent d’entre elles ont été épinglées comme étant particulièrement remarquables.

Au total 41 musées participent à cette campagne. Du 21 mai au 27 août, nous vous proposons de découvrir et de comprendre pourquoi ces pièces sont si singulières.
Vous connaissez bien sûr La chute d’Icare de Pierre Brueghel ou La Vierge folle de Rik Wouters, et bien d’autres encore. Mais savez-vous que deux de ces cent chefs-d’oeuvre se trouvent à La Fonderie ?
Le premier que nous vous présentons est un gros chat : Sultan le lion ! Ce plâtre est le modèle d’une des pièces de la réalisation la plus spectaculaire et la plus représentative de la production de la Compagnie des Bronzes de Bruxelles vers l’étranger : les grilles monumentales du zoo de New York.
Les motifs décoratifs de la porte, dessinée en 1926 par le sculpteur américain Paul Manship (1885-1966), rendent hommage à la faune et à la flore sauvages. Vingt-deux animaux y sont représentés parmi lesquels quelques pensionnaires illustres du zoo dont nous possédons encore les plâtres : Buster, la tortue géante des
Galápagos, trois ours et bien sûr Sultan, le lion d’Afrique qui couronne l’oeuvre. Paul Manship avait déjà travaillé avec la Compagnie des Bronzes en fondant à Bruxelles la statue du jeune Abraham Lincoln, dont le modèle en plâtre est toujours à La Fonderie. La grille est coulée à Molenbeek durant l’été 1933 et expédiée à New York en
pièces détachées.


Le lion est l’élément central de cette grille et trône encore aujourd’hui à quelques mètres du sol. Mais les visiteurs du zoo new-yorkais savent-ils que c’est dans une fonderie bruxelloise que ces animaux ont vu jour ? Nous sommes actuellement en contact avec la direction du zoo qui souhaiterait resserrer les liens entre nos deux institutions.
La Fonderie conserve dans ses réserves une importante collection de modèles de fonderie en plâtre.
Ces pièces sont d’autant plus précieuses que les oeuvres en plâtre sont peu conservées. Considérés comme purement utilitaires et sans valeur, les modèles de fonderie étaient donc bien souvent mis au rebut après utilisation. De plus, la fragilité du matériau a souvent causé une détérioration voire une destruction au cours du temps et des déplacements.
Mais le modèle de fonderie témoigne d’une technique inhérente à la sculpture. Il est l’empreinte la plus fidèle du modèle original et porte les marques de sa fabrication, à savoir le modelage.
Comme étape intermédiaire, il porte une série de signatures du travail technique de moulage : marques des joints, restes d’agent démoulant, sable… autant de traces uniques d’un savoir-faire ouvrier souvent oublié. Nous
avons profité de cette opération "Chefs-d’oeuvre" pour vous proposer un module explicatif autour de la fonte au sable. Cette technique n’aura plus aucun secret pour vous après votre visite.

Deuxième chef-d’oeuvre : Le métier à tisser De Backer ! Cette étonnante machine est la réunion de plusieurs inventions de l’époque : les aiguilles de Basile Bouchon, les cartes de Falcon et le cylindre de Vaucanson. En 1804, Joseph-Marie Jacquard, fils d'un tisserand lyonnais, combine et améliore différentes inventions pour mettre au point un métier simplifiant le tissage des étoffes façonnées.


Le métier à tisser mécanique exposé est double et destiné à la passementerie. Il date de la fin du 19e siècle et fonctionnait grâce à des cartes perforées commandant la position des fils de chaîne (fils de support) au passage des fils de trame (qui forment les motifs). Ce système est l'une des premières applications d'un codage binaire
de l'information. Nous voici, malgré les apparences, à l'aube de l'informatique. Produisant des rubans et galons,
il était installé dans les ateliers que Paul De Backer a ouverts en 1896 rue des Capucins, dans les Marolles. Spécialisée dans l'ameublement, la passementerie De Backer proposait des produits raffinés et entièrement personnalisés.
La production perdura avec des succès divers jusqu’en 2009, date à laquelle le dernier atelier bruxellois de passementerie ferme ses portes. Ce métier termine son parcours à La Fonderie, où il occupe une place de choix dans notre exposition permanente. Il témoigne non seulement d’une industrie textile essentielle à Bruxelles depuis le Moyen Âge, mais aussi d’une étonnante technologie dont nous sommes les héritiers aujourd’hui lorsque nous tapotons nos claviers. Nous espérons que vos balades estivales vous conduiront à La Fonderie pour comprendre et apprécier ces objets exceptionnels !